La Cible humaine : La mort le suit de près

En parallèle de sa belle collection de films noirs, Sidonis Calysta est un éditeur réputé par son catalogue riche en westerns, allant toujours dénicher de très beaux titres, certains classiques, d’autres beaucoup plus confidentiels mais tout aussi précieux. Déjà en 2011, l’éditeur avait sorti La cible humaine en DVD. Voilà cette fois-ci le film disponible en combo Blu-ray + DVD dans une édition limitée disponible depuis le 26 juin dernier. L’occasion de découvrir ce chef-d’œuvre du genre, appellation souvent usurpée mais ici totalement méritée, comme le soulignent Bertrand Tavernier et Patrick Brion dans les bonus.

Tireur réputé à travers tout l’Ouest, Jimmy Ringo souffre de cette réputation qu’il porte comme un fardeau sur ses épaules. Chaque fois qu’il pénètre dans un saloon, il se trouve toujours un jeune chien fou pour le provoquer et le défier afin qu’il prouve sa réputation. Or, celui-ci finit toujours avec une balle dans la peau. Alors que Jimmy a tué son douzième homme dans une énième confrontation, il se retrouve poursuivi par les trois frères de celui-ci. Il ne tarde pas à les piéger et à leur confisquer leurs chevaux, s’octroyant une longueur d’avance sur eux. Longueur qu’il juge suffisante pour s’arrêter dans la ville de Cayenne où il espère renouer avec Peggy, son amour d’autrefois et enfin rencontrer le fils qu’il a eu avec elle. Son arrivée au saloon fait évidemment grand bruit dans la ville et le marshal Mark Strett, ancien compère de Jimmy, entend lui faire quitter les lieux au plus vite tout en respectant sa volonté de revoir Peggy. Celle-ci hésite à le voir et Jimmy retarde le plus vite son départ, au risque de se faire rattraper par ses poursuivants…

À découvrir La cible humaine aujourd’hui (sobrement intitulé The Gunfighter dans son titre original et parfois appelé L’homme aux abois dans un autre titre français), on ne peut qu’être admiratif de la concision et de l’efficacité de sa narration qui va droit à l’essentiel sans jamais s’égarer et ce jusqu’à un dénouement merveilleusement pensé. Preuve qu’en 1h25 on peut raconter beaucoup quand le scénario, la mise en scène et l’interprétation se rejoignent. Le film est classique dans tout ce qu’il y a de plus honorable. Henry King, grand cinéaste hollywoodien prolifique, filme à la manière d’un Howard Hawks, sans aucune esbroufe de mise en scène, avec un sens du découpage épousant toujours la cause du récit pour mieux nous y immerger. Le résultat est particulièrement admirable dans ce qu’il raconte et brasse comme thématiques.

Nous sommes dans un western certes, mais plus tendu et plus intime que la moyenne, reposant sur un suspense amplement maîtrisé, Jimmy augmentant ses chances d’affronter ses poursuivants à mesure qu’il s’attarde en ville. Ville d’ailleurs bien chamboulée par son arrivée et la réputation qui le précède : autour du saloon dans lequel il s’est réfugié rôdent les enfants du coin ayant séché l’école pour le voir, mais aussi une autre jeune tête brûlée décidée à tenter sa chance contre lui pour parfaire sa réputation. Tous ces éléments sont brillamment distillés dans un scénario (sur une idée originale à laquelle André De Toth a contribué) concis dont la thématique principale est passionnante. Jimmy Ringo est un homme qui est un excellent tireur, mais souffrant de cette réputation, la trimbalant comme une menace planant sans cesse au-dessus de sa tête. Jimmy le sait, tôt ou tard, l’un de ces jeunes insolents parviendra à le tuer et lui ne demande qu’à vivre une vie calme, loin des saloons et des provocations avec la femme qu’il aime et son fils qu’il souhaite connaître.

Cette inéluctabilité du destin, cette ombre mortelle suivant le personnage en permanence et lui dictant presque ses actes est terriblement bien dépeinte dans le film à travers de fabuleux dialogues et surtout la formidable prestation d’un Gregory Peck que l’on a rarement vu aussi juste et aussi bouleversant, à fleur de peau, personnage presque maudit par son habilité au pistolet qui lui a sauvé la vie de nombreuses fois mais qui, quoiqu’il arrivera, le condamne à mort. Impossible donc de bouder cette découverte qui s’impose comme l’un des grands westerns des années 50, élégiaque et sublime surtout dans ce nouveau master redonnant de sa superbe à un film qui n’en manque pas.

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  1. Bravados : Que justice soit faite -

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