Love, Simon : Pour / Contre

Pour :

Petite madeleine inattendue et sans prétention du cinéma, Love, Simon est un film réalisé par Greg Berlanti adaptant le roman de Becky Albertalli, « Moi, Simon, 16 ans, Homo Sapiens ». Avec de jeunes célébrités montantes comme Nick Robinson (Simon), Katherine Langford (Leah) qui incarne l’héroïne de « 13 Reasons Why » ainsi qu’une brochette d’acteurs de divers horizons encore peu connut comme Alexandra Shipp, Keiynan Lonsdale ou Logan Miller déjà aperçues, notamment dans des seconds rôles de séries télé ou saga pour ado. Mais sont également accompagnés de 2 acteurs plus populaires et rôdés en les personnes de Jennifer Garner et Josh Duhamel. Love, Simon raconte l’histoire parfaitement normale de… Simon, homosexuel depuis déjà quelques années, mais n’osant pas l’avouer publiquement ne sachant quelle serait la réaction de ses amis. Cherchant le meilleur moyen de l’annoncer à son entourage, la vérité va rapidement le rattraper lorsqu’il engage une conversation par écrans interposés avec un de ses camarades de classe dont il ignore l’identité, mais ayant quant à lui, déjà annoncé anonymement son homosexualité.

Le film marque avant tout par le ton léger et décontracté de son message. Il n’est ni ici question de retranscrire la réalité, appuyée dès le début par la vie « parfaitement » normale de son héros, ni d’essayer d’en faire des caisses sur la love story de Simon en tirant les larmes outre mesure. Le réalisateur choisit le parti de raconter son histoire non pas à travers l’homosexualité de son héros, mais bien à travers l’histoire d’amour qui en découle. Le but recherché n’est pas de sensibiliser sur l’homosexualité ou de l’acceptation de la communauté gay, mais simplement de faire évoluer un personnage de ce bord dans le cinéma et de lui offrir une histoire d’amour à part entière, aussi belle que maladroite, aussi clichée qu’attendrissante, mais surtout aussi sincère que possible sans qu’il faille forcément en faire des tonnes et forcer la compassion comme si c’était un acte héroïque ou tout du moins un évènement exceptionnel.

Contrairement à ce qu’on voit souvent, on n’essaie pas de considérer les gays comme différents, de nous convaincre de leurs normalités. L’histoire part du principe de leur droit d’avoir leurs propres histoires d’amour. Évidemment on ne peut échapper un minimum à la réalité avec des personnages homophobes qui sont d’ailleurs clairement de gros idiots. Le film ne s’exempte pas de certaines questions universelles liées à cette attirance. Mais le personnage principal ne se demande pas s’il doit annoncer son homosexualité, mais bien de quelle manière il doit le faire. On est alors ici confronté, en tant que spectateur, à une problématique qui n’est pas forcément toujours mise en avant. On sait que les protagonistes accepteront l’homosexualité du héros, mais c’est ce qui en découle qui nous intéresse, la plupart se doutant évidemment déjà de quelque chose. C’est là que le film est plus malin qu’on ne le pense. Il ne cherche pas à nous attendrir ou nous convaincre, mais plus à pousser la communauté à s’accepter et ne pas avoir peur du regard des autres. Il ne faut pas avoir honte de soi, et le personnage de Martin Addison en est d’ailleurs un très bon exemple puisque dans n’importe quelle comédie américaine il serait le personnage détestable, or ici, il ne le reste que le temps d’une scène. On n’est jamais inquiété par les situations des protagonistes, car ce n’est pas le but. Traiter l’homosexualité comme élément principal pour pousser le spectateur aurait été encore plus maladroit et contre-productif que de le traiter de cette manière puisqu’il insinuerait que le postulat de base (l’homosexualité) serait quelque chose qui ne correspond pas à la norme. C’est pour cela qu’on insiste sur le fait qu’il faut l’accepter. Pourquoi devrait-on traiter une telle histoire autrement que comme une histoire d’amour comme toutes celles que l’on a déjà vues ? Uniquement parce que contrairement aux autres, cette fois-ci c’est une histoire homosexuelle ? Quelle fermeture d’esprit. Simon est directement porteur de ce message lorsqu’il explique en aparté qu’il s’avère étrange que l’on se sente obligé d’avouer à nos parents que l’on est homosexuel, mais que jamais nous ne nous sentons obligés de leur avouer que nous sommes hétérosexuels.

Mais le film aborde aussi une critique de la technologie qui est souvent très destructrice avec un réseau social interne à l’établissement scolaire dont certains se servent pour raconter tous les petits secrets de l’école en public, façon Gossip Girl. C’est par ce biais que l’amie d’enfance de Simon est constamment au courant des petits ragots de l’école. Elle permet ainsi à Simon de savoir qu’un autre homosexuel arpente l’école, celui-là même qui a dévoilé publiquement son homosexualité sur le blog de façon anonyme. C’est cette nouvelle qui le poussera à enfin vouloir s’affirmer comme tel et à prendre contact avec lui. Et même si plus tard il finira lui aussi par subir les méfaits d’un tel site, le point de vue reste continuellement optimiste. L’exemple le plus frappant vient d’un de ses camarades qui décide de prendre la parole en public pour déclarer sa flamme. Aussi étrange que cela puisse paraître la scène est beaucoup moins gênante qu’elle n’aurait pu l’être précisément parce que l’histoire ne cherche pas à rendre ce personnage publiquement ridicule, au contraire. On sait que les conséquences ne lui sont pas joyeuses, mais on ne s’attarde pas plus que ça sur son malheur. Même s’il s’agit d’un moment clef de l’intrigue, dans la réalité, sa vie serait tout bonnement détruite comme certains ados ont déjà pu faire la mauvaise expérience de ce genre de vengeance particulièrement immature. Ici on ne le place pas au centre de l’attention pour le ridiculiser, car le film cherche continuellement à se concentrer sur le positif. 

Love, Simon ne cherche pas à rendre compte de la réalité, mais simplement à montrer un monde sous un certain aspect, presque celui qu’il devrait avoir en toutes circonstances. Certes il y a une réalité des mœurs qui plane autour de nos personnages, mais ce ne sont jamais les propos ou les actes qui sont dénoncés comme étant homophobes, mais simplement comme étant particulièrement mal venus et idiots. Le film n’essaie pas de nous convaincre que les homosexuels sont des gens comme tout le monde et qu’il faut les accepter, le film nous dit juste qu’il y en a et que si l’on veut évoluer il faudrait peut-être songer à passer à un autre sujet. L’homosexualité traitée dans le film n’est qu’une excuse pour raconter une histoire d’amour de lycéens, ni plus ni moins. Ce n’est qu’une manière détournée de raconter son histoire en proposant un autre contexte sans pour autant qu’il en soit le centre d’attention. On échappe ainsi à la comédie bas de plafond, un peu crado qui a une conclusion mielleuse et inappropriée comme si nous étions des gros beaufs. On échappe au drame dépressif et ennuyeux qui cherche à enterrer notre joie de vivre 6 pieds sous terre en nous faisant comprendre que le héros de l’histoire vit un enfer, mais qu’il a une force de caractère hors du commun pour rester digne en public. Bref, on est face à une histoire simple, généreuse, très positive, extrêmement clichée et maladroite sur bien des aspects, mais s’en sert pour justement montrer le décalage entre la manière dont on traite ce genre de sujets habituellement et la manière dont on devrait réellement le traiter.

Il faut avouer que dans son genre pétillant et frais, le montage dynamique et la mise en scène colorée aident énormément à l’appréciation de ce long métrage. Tout est fait pour captiver notre attention et éviter que l’on s’ennuie. Une musique jeune, un montage rythmé, des acteurs plutôt convaincants dans des rôles chaleureux, c’est un film qui respire le bonheur et la joie de vivre. D’une certaine manière on a l’impression que le réalisateur cherche à remettre au goût du jour les comédies américaines des années 80′ où les jeunes sont toujours en train de s’amuser et où il ne leur arrive jamais rien. Et il faut admettre que cela fait du bien d’avoir le cœur léger en regardant un film traitant de notre jeunesse. Pas de violence, pas de drogue, de racket, etc., cela peut paraître idyllique, mais nous sommes au cinéma et nous voyons ça déjà suffisamment souvent en vrai pour apprécier lorsqu’on nous l’épargne sur grand écran. 

Finalement Love, Simon paraîtra peut-être fade pour certain, hors propos pour d’autres, complètement malvenu pour les plus intolérants, il n’empêche que la proposition sort un peu du lot de ce que l’on peut voir ces derniers mois, ces dernières années mêmes. Tout le monde pourra ne pas aimer ce film, d’autant qu’il semble faire la jointure entre deux générations, celle des parents d’aujourd’hui et de leurs enfants, un exercice bien difficile. Mais on ne pourra lui reprocher d’essayer d’être le plus optimiste possible, dans son message, ses intentions et dans la volonté de toucher un public le plus large possible.

Contre :

Le cinéma américain a un talent indéniable : celui de créer une réalité utopique rose bonbon. Un monde sans violence ni méchanceté ou presque, les problèmes sociétaux n’y trouvant aucun ressort. Depuis des décennies, Hollywood produit des films à la cible adolescente entre romances et amitiés. Des adaptations de romans à succès, tout du moins prétendu comme cela, qui se ressemblent à l’identique ou presque. Le père ex-quaterback est toujours avec la reine de promo lui ayant fait les plus beaux bébés du monde. Une Amérique post Brandon & Brenda de la série culte Beverly Hills dont la production actuelle se réfère encore et toujours.

Malheureusement avons-nous envie de dire ? À bien regarder Love, Simon, nous sommes au cœur de cette Amérique aseptisée décrite depuis des décennies dans le cinéma et la télévision américaine. On pense beaucoup à Clueless, Lolita malgré elle ou encore à Elle est trop bien, des titres phares du genre teenage movie. 

Dans Love, Simon, le personnage principal l’annonce d’emblée, il a une vie parfaite entre parent-amis-école. Tous les matins il passe chercher sa bande d’amis pour un café au drive de Starbucks, avant d’arpenter les couloirs de leur lycée presque parfait. Mais Simon a un secret. Il est gay. Un jour, sur le blog du lycée, un autre élève, anonyme, fait son coming-out. 

Ainsi débute Love, Simon, réalisé par Greg Berlanti, à qui l’on doit le succès des séries DC Comics parallèle sur CW (Arrow,  Flash, Supergirl). Par Love, Simon, le célèbre scénariste/showrunner n’apporte malheureusement rien de neuf au genre. Il pourrait être réalisé par un quidam, dont nous ne le relèverons point. Le réalisateur n’apporte en rien une finesse ou une touche dans le scénario, lui showrunner de séries sur des supers-héros sombre de l’écurie DC Comics. Greg Berlanti passe simplement l’étape cinéma, le Graal pour tout artisan de la télévision. L’originalité du long-métrage vient alors de son personnage central, Simon. Il est gay, tout le film reposant sur ce secret, cette particularité, cette orientation sexuelle. Puis plus rien n’outre un mystère façon Agatha Christie, une enquête mollassonne pour trouver ce destinataire avec qui Simon échange par mail. Le film offre cette opportunité de discourir sur les appréhensions à révéler son orientation sexuelle, c’en est le thème central de l’histoire avec l’acceptation de l’autre et de sa sexualité. Ce point est traité de la même manière que l’acceptation d’être bizarre, gros, maigre ou malade à la grande époque du genre, au milieu des années 90. Il n’y a pas plus maladroit comme prise de position pour parler d’un sujet que de prendre ce point de vue opportuniste semblant chaque minute être une révolution au cinéma.

Love, Simon n’est pas une révolution, mais une régression. Comment introduire un personnage LGBT de façon aussi maladroite ? Surtout en lui dessinant une vie si rose et facile comme décorum. Être gay n’est point une tare ou une maladie, juste une orientation sexuelle. Pourquoi se servir d’une telle appréhension pour l’accroche d’un film opportuniste à souhait noyé par une musique modèle à longueur du métrage ? L’approche de Love, Simon sent cette odeur d’appréciation de producteurs prudes souhaitant frôler le sujet tout en se faisant applaudir à chaudes mains d’avoir produit le film. Pendant que Love, Simon sort aux États-Unis, 120 Battements par Minutes a bravé tous les non-dits, embrassé la cause et remporté 6 Césars en France.

Love, Simon est ce genre de divertissement pour adolescents souhaitant être ce produit avant-garde à la mode ressortant comme exemple. Malheureusement, il n’est au final qu’un produit de consommation au goût rance qui se sert de l’homosexualité de la même manière que du harcèlement scolaire, l’obésité ou de l’anorexie. Love, Simon ne fait pas avancer les choses, pire il n’a aucune réelle vision propre de sa volonté de base. Le film n’est alors qu’un produit pré-mâché au sujet interchangeable, de la poudre de perlimpinpin qui peine à convaincre par sa faculté à promouvoir du vent.

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