Illang : The Wolf Brigade : Bête et méchant

« Pourquoi ? », « qu’est-ce qui motive ce choix ? », « à quel moment quelqu’un s’est dit que c’était une bonne idée ? », ces questions se bousculent de plus en plus souvent alors que l’on nous annonce une énième adaptation live d’un succès passé, parfois oublié. Ces questions vont difficilement trouver une réponse dans le cas de Illang : The Wolf Brigade, remise au goût du jour (?) de Jin-Roh de Hiroyuki Okiura à partir d’un scénario de Mamoru Oshii, sorti en 1999. Pourquoi, presque vingt ans après, déterrer un succès critique et une œuvre majeure de l’animation japonaise qui n’intéresserait qu’un public de niche ? On pouvait néanmoins avoir un embryon d’espoir, quand on vit que le projet fut confié à Kim Jee-woon (J’ai rencontré le diable). On pouvait même aller jusqu’à fantasmer l’ajout d’une touche coréenne par-dessus cette relecture du petit chaperon rouge sous fond de tragédie d’espionnage…

Il n’en est rien. Illang tente à son ouverture de recadrer le contexte de Jin-Roh dans un futur proche, en Corée, là où l’original rétrofuturiste se passait dans un Japon d’après-guerre. Cette transposition ne voit malheureusement pas plus loin que le bout de son nez. On conserve les conflits entre les différentes factions que le cadre original posait. Quelques changements de noms de rigueur histoire de, et on n’y voit que du feu. On suit donc Im Joong-Kyung membre d’une brigade d’intervention spéciale, qui s’oppose à un groupe terroriste nommé La Secte. Alors qu’ils avaient poursuivi et éliminé un groupuscule de La Secte, Im Joong-Kyung hésite à tirer face à une jeune fille et manque de se faire tuer dans l’explosion qu’elle déclenche. Plus tard, il découvre Lee Yoon-Hee, qui semble être la sœur de la jeune terroriste et une romance s’installe entre eux. Mais Lee Yoon-Hee est une espionne, pion sur un échiquier dont le but est de détruire la brigade de Im Joong-Kyung.

À l’aune d’une imitation aussi simple à remarquer, il est difficile de ne pas analyser Illang par le prisme de son grand frère. On ne s’éloigne donc pas ou peu du point de départ de Jin-Roh, mais on va pourtant se retrouver à l’opposé de l’œuvre originale, sans pour autant y apporter quoi que ce soit de neuf, si ce n’est l’ironie dont il est involontairement victime. Jin-Roh jouait sur une sobriété parfois abrupte et une économie des scènes. Il allait à l’essentiel et renforçait l’humanité de ses personnages quasi mutiques via leurs actions. Okiura avait confié avoir retouché le scénario d’Oshii, pour passer au second plan les enjeux politiques et fournir une œuvre plus concentrée sur l’humain. Illang prend le chemin inverse, au moins du point de vue de la mise en scène, le contexte restant, lui, accessoire. On s’épanche sur nombre de détails superflus, pour ne rien en tirer à l’arrivée. Nouvelles intrigues greffées sur la principale, nouveaux personnages qui ne sont que de passage, scènes d’actions plus longues et scènes d’amour au lyrisme adolescent sont autant de témoins d’une écriture égarée, déshumanisée et donc artificielle. Que dire alors de cette conclusion qui tente de se démarquer de l’œuvre originale, mais qui le fait sans doute là encore sans but précis, si ce n’est le paraître ? S’éloigner d’un ainé que l’on singe en y ajoutant sa touche « personnelle » est louable lorsque cette action est motivée par un message, une véritable intention et pas simplement un changement au nom du changement (surtout si c’est pour nous la jouer Europa Corp, façon Taken ou Le Transporteur).

Tout ici est aseptisé, les plans vidés de leurs compositions iconiques (même si les yeux rouges dans le noir font toujours leur effet, ils sont les vestiges d’une autre époque), les décors perdent leur cachet (alors qu’on se souvient, entre autres, des égouts baignés dans cette lumière quasi sacrée de l’original), les scènes d’actions étirées gagnent en dynamisme, mais perdent en impact — on nous fera même le coup de la classique course pour échapper à une explosion. Le manque de prise de risque, l’absence de cette folie « à la coréenne » que le spectateur pourrait attendre, mettent simplement en exergue les nombreuses maladresses du film. Illang ne fait que remplir ce cahier des charges fantasmé où le spectateur est un automate, tout juste bon à consommer la même soupe insipide à chaque fois.

Ce remake ne présente aucun intérêt et se paie même le luxe de durer beaucoup plus longtemps que Jin-Roh. Trop propre, trop long, trop mécanique pour atteindre sa cible, Illang ressemble à une fanfic d’un jeune spectateur frustré de la conclusion et la rudesse dont pouvait faire preuve l’œuvre d’origine. Jin-Roh pouvait en effet sembler rugueux et laisser le spectateur sur le bas-côté (malgré des qualités techniques et de mise en scène indéniables), mais c’est aussi la marque d’une personnalité prononcée. Illang, en ne voulant fâcher personne avec ses automatismes scéniques faciles, n’accomplit qu’une seule chose positive, nous donner l’envie de revoir Jin-Roh.

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