Ça tourne à Séoul – Cobweb : Le cinéma (et ses petits tracas)

Cela faisait dix ans (depuis Le Dernier Rempart, loin d’être son film le plus mémorable…) que l’on n’avait pas eu l’occasion de découvrir un nouveau film de Kim Jee-woon au cinéma. En effet, The Age of Shadows était injustement sorti directement en VOD quand Illang, son inégal remake en live-action du génial Jin-Roh, la brigade des loups avait été mondialement diffusé par Netflix. C’est donc avec beaucoup de bonheur que nous avons découvert Ça tourne à Séoul – Cobweb, surtout que le film marque les retrouvailles du cinéaste avec Song Kang-ho et déploie son énergie comique en nous transportant sur un tournage de film dans la Corée des années 70.

Cinéaste un peu minable, peinant à se sortir de l’ombre de son mentor dont il se murmure qu’il lui aurait volé un scénario après sa mort pour signer son premier long métrage, Kim Ki-yeol est dans une mauvaise passe. Traversé par le doute, il compte faire de son nouveau film un chef-d’œuvre mais il lui faut pour cela réécrire et retourner la fin de son film. Il impose alors à son équipe une nouvelle journée de tournage qui devra se faire dans le plus grand secret, loin des yeux du comité de censure. Mais Kim n’est pas au bout de ses peines et devra composer avec ses propres failles tout en gérant le chaos d’un tournage et les caprices de ses acteurs. Pas le choix, pour signer son chef-d’œuvre il ira jusqu’au bout…

Si l’on déplore son titre français certainement inspiré par le Ça tourne à Manhattan de Tom DiCillo (dont le titre original n’avait absolument rien à voir avec une traduction aussi grossière), Ça tourne à Séoul – Cobweb est un film éminemment réjouissant dans lequel Kim Jee-woon clame tout son amour au cinéma et à la folie nécessaire pour en faire. Né de ses questionnements sur l’avenir du septième art durant la pandémie de 2020, le film affirme haut et fort que cet art, comme tous les autres d’ailleurs, trouvera toujours sa place en dépit des dangers qui le guettent (censure comme pandémie) car il y aura toujours en ce monde des fous ou des génies (si les deux sont réellement dissociables) pour emmener avec eux des personnes à vivre leurs rêves.

Comme à son habitude, le cinéma de Kim Jee-woon est généreux et doté d’une énergie, correspondant parfaitement à l’atmosphère d’un plateau de tournage que le scénario truffe de grands moments de comédie. Qu’importe dès lors si le scénario s’égare un peu dans quelques longueurs, la gourmandise du cinéaste est hautement communicative. Regardant avec tendresse et auto-dérision ce cinéaste obsessionnel et enflammé (il s’émeut tout seul de ses propres dialogues), Kim Jee-woon n’en occulte pas les défauts mais semble presque s’en amuser. Le personnage n’est pas forcément recommandable mais il est néanmoins touchant dans sa passion et sa volonté d’arriver à faire un chef-d’œuvre, quitte à déclencher un incendie sur son plateau en le tournant en plan-séquence (sommet du film, malicieux et nous rappelant pourquoi l’on aime autant le cinéma), opposant ainsi la maîtrise du plan tourné au joyeux bordel de sa conception qui se conclura – on ne s’y attendait pas – sur des images de chaos sur la chanson Poupée de cire, poupée de son de France Gall !

Rempli d’une sacrée galerie de personnages (une assistante trop zélée, une actrice capricieuse, un acteur en pleine crise amoureuse, un censeur ne s’opposant pas à la violence à l’écran tant qu’elle se fait contre des communistes), Ça tourne à Séoul – Cobweb est mené par le toujours impeccable Song Kang-ho dans le rôle de Kim, contribuant grandement à l’indéniable sympathie que l’on éprouve pour le personnage dont personne ne comprend réellement la vision, du moins jusqu’au final. Particulièrement riche et généreux, débordant d’une énergie créatrice communicative, le film manque peut-être de rigueur pour s’imposer comme le meilleur du cinéaste mais demeure un très grand moment de cinéma, à découvrir impérativement sur grand écran !

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*