JSA – Joint Security Area : L’amitié sans frontières

Déjà instigateurs d’une superbe ressortie en salles de Memories of Murder l’année dernière, La Rabbia récidive une fois de plus cet été en nous offrant une sortie salles exclusive en France de JSA (Joint Security Area), troisième long-métrage de Park Chan-wook qui fut à l’époque de sa sortie en 2000 un vif succès en Corée. Et à le découvrir aujourd’hui sur grand écran, JSA témoigne déjà de la maestria de son réalisateur.

Ayant signé auparavant deux films qui n’avaient pas marché, Park Chan-wook s’est vu confier JSA et son gros budget (l’un des plus gros pour un film coréen à l’époque avec évidemment la Joint Security Area reconstituée en studio) en espérant que le film fonctionne. La suite, on la connaît puisque le réalisateur a réussi à mener à bien sa carrière, parsemée de films extrêmement personnels d’une maîtrise que seule Bong Joon-ho peut également se targuer d’avoir à ce niveau dans le cinéma sud-coréen.

Le point de départ de JSA est pourtant simple : à la frontière des deux Corées se trouve le Joint Security Area. De chaque côté de la frontière se trouve un poste de garde. Dans chaque poste de garde, il y a deux soldats qui ne sont séparés des autres que par la couleur de leur uniforme. Quand deux soldats nord-coréens sont assassinés par un soldat sud-coréen, une commission d’enquête menée par la major Sophie E. Jean intervient sur place pour mener l’investigation tout en restant neutre afin d’éviter un incident diplomatique majeur. Petit à petit, Sophie parvient à replacer les choses dans leur contexte et découvre ce qu’il s’est passé…

Dès le début du film, Park Chan-wook n’hésite pas à citer ses influences : Alfred Hitchcock et Brian De Palma. Les références sont là mais jamais écrasantes. De ce film de commande adapté d’un roman, Park Chan-wook tire sa première œuvre majeure, pièce maîtresse d’une filmographie passionnante où il dévoile déjà son goût pour la narration sinueuse, pour le mélange des genres et pour les ruptures de ton. Ici, le drame humain côtoie l’infinie tendresse mais la violence n’est jamais loin. Plutôt que de concentrer son récit uniquement sur l’enquête, le film s’autorise même un long vagabondage parmi les flashbacks, les faisant durer suffisamment longtemps pour nous faire comprendre toute l’humanité qui réside chez les personnages. Quatre soldats postés à un endroit dont ils ne comprennent pas l’utilité, simples pions dans la politique de leurs pays qui ont décidé de se faire la guerre pour des raisons qu’ils ne comprennent même plus. Alors l’humanité prend le dessus : on va vers l’autre, on boit, on fume, on mange ensemble, on se montre les photos de nos fiancées, on joue comme des gosses. Au cœur de cette zone, les soldats redeviennent presque des enfants jouant à la guerre, inconscients du danger qui les guette jusqu’à ce que la violence explose…

Cinéaste habile, Park Chan-wook transforme donc ce qui pourrait être un simple thriller en véritable drame à la portée humaniste, jouant sans cesse sur les regards, dévoilant peu à peu ce qui s’est véritablement passé dans le post nord-coréen. Aidé par des acteurs impeccables (son compère Song Kang-ho, futur acteur fétiche de Bong Joon-ho mais aussi Lee Byung-hun dont le talent éclatera chez Kim Jee-woon), Park Chan-wook tisse alors un formidable film, véritable leçon d’humanité dont on apprécie encore la virtuosité et la justesse aujourd’hui. Si l’ensemble n’est pas sans quelques heurts (la maîtrise totale d’un Old Boy ou d’un Mademoiselle n’est pas encore tout à fait là), la force de frappe de JSA en fait incontestablement une des sorties majeures de cet été.

 

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