Dieu seul le sait : Sur la plage coco câline

Sorti en DVD et Blu-ray en même temps que Le Barbare et la Geisha le 22 mai dernier chez Rimini Editions, Dieu seul le sait bénéficie d’un nouveau master HD permettant de découvrir le film dans une belle qualité. Au niveau des couleurs, le master est moins chatoyant que celui du Barbare et la Geisha mais il est franchement plaisant de se pencher à nouveau sur ce petit bijou, l’un des plus beaux films de John Huston que le cinéaste lui-même avoua beaucoup aimer.

Tourné un an après la super-production Moby Dick, John Huston s’offre presque des vacances en réalisant Dieu seul le sait avec au programme une île déserte et deux acteurs principaux. Une promenade de santé donc pour un réalisateur qui a connu pire. Adapté d’un roman de Charles Shaw, Dieu seul le sait a traîné dans les bureaux de la Fox qui ne savait pas trop quoi en faire si ce n’est un simple marivaudage. L’arrivée de Huston sur le projet va changer les choses, le cinéaste livrant alors un film sur le désir.

L’histoire est aussi simple qu’astucieuse. Nous sommes sur une île du Pacifique en 1944. Le caporal américain Allison, dont le sous-marin a été torpillé, arrive sur l’île pour y rencontrer une nonne, sœur Angela. Il est parfois bourru, l’appelle M’dame et croit dur comme fer au corps des marines. Elle est sensible, l’appelle Monsieur Allison et croit fermement en Dieu. Les deux, qui ne se seraient certainement jamais adressé la parole dans d’autres circonstances, se voient obligés de cohabiter et ce d’autant plus que les Japonais ne tardent pas à débarquer sur l’île, les mettant en danger.

Cette rencontre insolite permet au réalisateur de traiter ses deux personnages comme des enfants, qui, vivant dans un décor paradisiaque, apprennent à se connaître. Et si le désir ne tarde pas à faire son apparition du côté du caporal Allison, Huston ne fait jamais basculer l’histoire dans une histoire d’amour passionnelle. Au contraire, en empêchant ses personnages de succomber l’un à l’autre (ce qui n’est pas faute d’essayer, en témoigne la superbe déclaration que Allison fait à Sœur Angela), Huston rend son film beaucoup plus intéressant. Regardant ses personnages avec une profonde tendresse, le film se moque gentiment des règles parfois stupide imposées par les croyances (l’armée pour Allison, les ordres pour Sœur Angela) tout en témoignant de l’admiration pour ceux qui les suivent jusqu’au bout.

Histoire de survie, d’apprentissage du désir et de tolérance mutuelle, Dieu seul le sait, bien que finalement peu mentionné quand on parle de la filmographie de John Huston, est pourtant l’un de ses films les plus réussis, pétri d’humour et de tendresse. Il faut dire que le cinéaste s’est reposé sur un sacré duo d’acteurs : Robert Mitchum et Deborah Kerr. Ces deux-là, à qui le cinéaste vouait une grande admiration (il rempilera avec Kerr pour La nuit de l’iguane et partageait le goût de l’aventure avec Mitchum) apportent au film une belle humanité et livrent des compositions subtiles, pleines de tendresse.

Dans le seul bonus de l’édition intitulé Amour interdit, Pierre Murat revient sur la genèse du film et analyse les différents stades du désir chez les personnages. Revenant aussi bien sur la carrière de John Huston que de celles de Deborah Kerr et Robert Mitchum, Murat, peu avare en anecdotes, nous livre quelques réflexions fort sympathiques dans un entretien de 27 minutes permettant de bien compléter la vision du film.

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