Qu’un sang impur… : Les péchés du colonialisme

Scénariste passionné de polars (il a écrit – entre autres – Un prophète et le diptyque Mesrine de Jean-François Richet), Abdel Raouf Dafri a passé cette année le cap du long-métrage avec Qu’un sang impur…, sorti discrètement en janvier. Peu remarqué, peu commenté et peu vu par le public, le film est pourtant un morceau de cinéma comme on aime les découvrir. Sa sortie en vidéo le 3 juin dernier chez Blaq Out (dans une édition malheureusement dénuée de bonus) devrait, on l’espère, permettre au film de connaître un second souffle amplement mérité.

Connu pour n’avoir pas froid aux yeux, il n’est guère étonnant de voir que Raouf Dafri décide, dès son premier film, de s’attaquer à la guerre d’Algérie, conflit encore trop peu représenté dans un cinéma français qui a toujours été frileux dessus à l’exception de quelques jolies réussites. Qu’un sang impur… est centré sur le colonel Breitner, ancien combattant d’élite de la guerre d’Indochine qui en est revenu brisé. En proie à ses démons, Breitner est contacté par la mère d’un de ses amis militaires, le colonel Delignières, porté disparu en Algérie dans les Aurès Nemencha. A contre-cœur et sans trop avoir le choix, Breitner part donc en Algérie avec sa compagne (combattante rencontrée en Indochine) et forme un commando pour retrouver Delignières, ignorant combien celui-ci n’est pas loin de la folie, retranché dans un campement militaire qu’il dirige.

Certes, la trame du film ressemble à s’y méprendre à Apocalypse Now et Raouf Dafri commet la maladresse de trop s’y référencer jusque dans le look du colonel Delignières, ersatz à peine masqué de Kurtz auquel Olivier Gourmet prête son charisme. Si l’on excepte cette référence écrasante et quelques dialogues manquant de subtilité, le fait est que le film n’en réussit pas moins son coup, sachant proposer une vision nuancée du conflit (où les exactions sont commises des deux côtés sans qu’un camp en sorte plus glorieux que d’autres) tout en osant offrir au cinéma français un pur film de genre qui ne recule ni devant la violence, ni devant les personnages hauts en couleur.

Film de guerre autant que western moderne, Qu’un sang impur… n’a pas peur de grand-chose et l’affirme haut et fort. En enchaînant les séquences à la violence sèche et en entraînant ses personnages dans un engrenage brutal dont personne ne peut sortir indemne, le film se montre grandiloquent et radical mais on lui pardonne bien volontiers ses défauts tant le casting rassemble de fabuleuses gueules (Johan Heldenbergh, Linh-Dan Pham, Lyna Khoudri, Steve Tientcheu, Pierre Lottin) et tant la réalisation transpire l’envie de cinéma brute comme on n’en voit que trop rarement dans le cinéma français. Aussi imparfait soit-il, tantôt maladroit, tantôt trop didactique, Qu’un sang impur… reste cependant un bon gros morceau de cinéma à dévorer, débordant d’une énergie que tout cinéphile serait bien fou de rater !

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