Ip Man 4 : Sortir avec dignité

Lorsqu’on parle d’Ip Man au cinéma, difficile aujourd’hui de dissocier le maître d’arts martiaux du visage de l’acteur Donnie Yen. Devenue une véritable star du cinéma chinois, l’acteur le doit en grande partie à sa prestation dans cette saga pour laquelle il rempile une 4eme et vraisemblablement dernière fois. Après un opus en featuring avec Mike Tyson assez décevant, on espérait en avoir terminé avec cette saga grandiose qui s’est trop vite essoufflée. Difficile cependant de dire adieu à ce personnage charismatique, attachant et si protecteur. Il lui fallait une fin digne et surtout mettre un point final en bonne et due forme à son histoire incroyable. C’est comme cela qu’entre en salle Ip Man 4. Cet opus d’Ip Man narre donc le terme de la vie du maître et de ce qu’il lègue, faisant une bonne fois pour toute le lien avec son disciple iconique Bruce Lee, indéfiniment teasé, mais encore jamais mis en avant.

L’utilisation du personnage de Bruce Lee vient ici littéralement opposer deux visions drastiquement éloignées du kung-fu. Deux visions bien distinctes pour les pratiquants d’art martiaux, mais également deux mentalités différentes pour les pays impliqués dans cette histoire, ici les US et la Chine. Des visions et mentalités différentes, mais également complémentaires. Et c’est là la leçon que Bruce Lee donnera à son maître. L’utilisation aussi tardive de l’apprenti star dans la saga Ip Man l’est aussi pour mieux justifier le leg du maître à son pays. En Chine, les maîtres ne semblent pas vouloir apprendre le Wing Chun à des apprentis n’étant pas chinois ou hong-kongais. Ip Man, qui semblait être le seul à accepter des étrangers parmi ses élèves, a donné cette ouverture d’esprit à Bruce Lee qui a préféré littéralement partir à l’étranger pour prodiguer les enseignements de son maître. L’histoire est dans la continuité des opus précédents, suivant avec minutie le même schéma événementiel des rebondissements et enjeux. On comprend pourquoi la saga s’essouffle aussi rapidement. Elle ne sait pas se renouveler. Ip Man affronte encore une fois un confrère antagoniste qui devient son allié après avoir gagné son respect. Il affronte ensuite le grand méchant après que ce dernier a vaincu et humilié le-dit confrère. Puis il le bat pour sauver l’honneur du Wing Chun, de ses élèves ou de son pays, voire des trois. Le schéma est rigoureusement le même, la conclusion est similaire, ce qui change véritablement ici est l’immigration de la narration qui se déroule pour une bonne partie aux États-Unis, où l’on sort enfin et pour la première réelle fois de la Chine ou Hong-Kong.

En dehors de cela, la réalisation est très honorable. Un visuel très marqué avec une très belle photographie. On reconnait bien le style de combat si unique de Bruce Lee que l’on a découvert dans ses films. L’acteur Danny Chan ne démérite pas sa prestation par ailleurs. Les chorégraphies quant à elles sont toujours aussi propres, belles et impressionnantes. Yuen Woo-ping, le chorégraphe des scènes de combats de Ip Man 3, rempile ici et remporte le Hong-Kong Film Award 2020 des meilleurs chorégraphies de combat. Un titre vraisemblablement mérité même si les chorégraphies de combat n’ont jamais fait défaut dans cette saga, tout comme la photographie. Tous les acteurs ne s’en sortent cependant pas aussi bien. Quelques uns semblent être physiquement choisis pour leur ressemblance à des acteurs hollywoodiens très populaires. Malheureusement leur jeu est exagéré, approximatif, parfois même théâtrale. Ou alors se sont-ils redoublés en anglais eux-mêmes, donnant cette impression de faux ? Cela expliquerait l’approximation de jeu et la surenchère d’émotion de la part de ces personnages. De son côté, Donnie Yen s’en sort toujours aussi bien à ceci près que l’on commence à ressentir sa lassitude vis-à-vis du personnage. À aujourd’hui 56 ans, son énergie s’amenuise et cela se ressent dans sa gestuelle. Ses coups sont moins vifs et moins impactant, même si sa maîtrise de l’art martiale semble toujours aussi propre et nette.

En définitive il était temps que la saga s’achève. Un dernier opus convaincant, mais pas transcendant, mettant un terme à cette histoire avec dignité. La mise en scène est propre malgré de nombreux décors numériques disgracieux visuellement. Les artifices se voient et sont par moment assez grossiers. Le retour du personnage de Bruce Lee sur grand écran fait extrêmement plaisir malgré sa récente apparition entre les mains de Tarantino. Il ne s’agit clairement pas du meilleur film Ip Man de la saga, mais très loin d’en être le pire pour autant. Wilson Yip signe ici un film de bonne facture, du même acabit que ses précédents, qui suffira à clore cette saga avec dignité.

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