Basquiat – Un adolescent à New-York : Document de rue.

En 1978 dans le Lower East Side, l’explosion de la pauvreté et de la drogue pousse la population blanche à l’exode. Une vague de familles qui vont construire la banlieue new-yorkaise dans le New Jersey. New York est en faillite, les rues ne sont plus très sûres sous un air d’apocalypse. Cet état durera quelques années. Le film de Sara Driver s’ouvre de ce constat dramatique. Les immeubles abandonnés sont incendiés volontairement pour toucher les assurances, quand les artistes et compagnie traînent et squattent pour survivre. La drogue s’infiltre dans les veines de la Grande Pomme pour libérer les consciences et émanciper les jeunes artistes. Au-delà du portrait du jeune artiste vagabond qu’est Basquiat en 1978, le film est un morceau d’histoire américaine : l’effervescence d’un temps où le hip-hop pointait le bout de son ghetto-blaster et où l’art de rue relevait de la revendication subversive. Une époque de liberté et d’expériences bâties sur les ruines de la génération beatnik et les rêves brisés du Flower power.

Un Adolescent à New York se sert de Jean-Michel Basquiat (1960-1988) comme pivot à l’exploration de cette génération peuplant le Lower East Side, ne vivant de rien d’autre que de cultures, de drogues et d’art. Sara Driver – femme de Jim Jarmush – ne se fourvoie jamais dans l’hagiographie de l’artiste culte. Basquiat apparaît parfois via des archives subliminales clope au bec. Elle lui donne l’image de l’ange volant au-dessus de toute cette époque, comme un être à part. Les propos vont dans ce sens notamment avec Jim Jarmush et ses anecdotes, ou même des amis proches de l’artiste qu’elle retrouve pour la plupart, Sara Driver elle-même ayant connu et côtoyé l’artiste. Elle a surtout vécu cette période de l’intérieur en compagnie de Jarmush. Elle retranscrit donc parfaitement cette atmosphère et l’impression laissée par Basquiat de par son vagabondage permanent. Trois années cruciales qui donneront l’amplitude nécessaire à l’artiste pour apprendre et se faire connaître. La rue est son territoire dont les murs sont ses toiles. Des graffitis qui deviendront des tableaux. Basquiat graffe à défaut de peindre. Il a libéré la parole sur les murs de New York sans le vouloir. Le jeune homme partageait ses poèmes, ses inquiétudes, son art. 
Avec Al Diaz, son premier comparse, naît SAMO (Same Old Shit). Al Diaz est un artiste reconnu dont la réalisatrice donne beaucoup la parole. Son art de rue est reconnu, mais après la séparation du duo, cette signature prendra le visage de Basquiat, au cours de la soirée Canal Zone, sur Canal Street, qui ressemble à un coming-out artistique. On comprend alors qu’il y a un calcul chez Basquiat qui apparaît toujours au bon moment, au bon endroit, fugace et muet, mais sa présence se fait ressentir. La montée en puissance de Basquiat est au cœur des récits des graffeurs Lee Quinones, Fred Brathwaite, qui est aussi réalisateur et un acteur phare dans l’éclosion de la génération hip-hop. À défaut de graffer des métros, il peignera sur des vêtements qui circuleront et se vendront via la styliste Pat Field, qui offrit à Basquiat les pulls, T-shirts ou combinaisons. Il signait « Manmade » juste avant la période des cartes postales, et de celle acquise par un certain Andy Warhol… Forcément cela aide avant l’explosion. 

Basquiat – Un Adolescent à New York se concentre sur une période de trois ans. Sara Driver donne beaucoup la parole aux témoins de l’époque, mais surtout nourrit son documentaire d’images d’archives prisées, de photos et d’extraits de films. Le documentaire est vivant sur une courte durée de 1H11 sans le générique. Elle réussit à montrer l’éclosion d’un artiste unique, mais surtout nous vaporise le parfum cocaïné d’une époque singulière et violente dont «  Jean  » était l’apôtre.
Ce reportage vient alors compléter une tonne de documents sur l’artiste, outre le biopic consacré par Julian Schnabel. Sara Driver réalise avant tout la peinture d’une ville en ébullition au cœur d’un paysage apocalyptique. Ce n’était pas mieux avant, mais putain que c’était bon !

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*