Donnie Darko : La fin n’est qu’un commencement

Accrochez vos ceintures, parce que ce 24 juillet ressort en salles Donnie Darko, le premier long métrage de Richard Kelly (Southland Tales, The Box). Restauré à partir d’un master 4K, nous aurons droit aux deux versions du film. La version cinéma sortie dans nos salles en 2002 ainsi que la version director’s cut qui rallonge le film d’une vingtaine de minutes, montage jusqu’alors inédit chez nous. D’après les mots de Richard Kelly, le film en director’s cut offre de nouveaux indices et de nouvelles solutions aux énigmes du film. Rappelons que les bonus du DVD sorti à l’époque offraient déjà une analyse pertinente des événements survenant dans le film au travers l’interview de Kelly qui s’y trouvait.

Donnie Darko, film emblématique par excellence, plébiscité par tous les adolescents du début des années 2000, fait parti de ces œuvres étranges qui doivent leur réputation grâce au marché de la vidéo. Passé presque inaperçu dans nos salles à l’époque (moins de 75 000 entrées), Donnie Darko nous présente son héros éponyme comme un adolescent surdoué, mais perturbé. Il possède un ami imaginaire, Frank, un lapin géant au visage effrayant. Lorsque, par miracle, Donnie échappe à la mort, Frank lui annonce que la fin du monde adviendra 28 jours plus tard.

Fort d’un casting de haute volée (Jake Gyllenhaal, Maggie Gyllenhaal, Drew Barrymore, Patrick Swayze et même Seth Rogen dans sa première apparition au cinéma), Donnie Darko est une œuvre difficilement explicable (comme les deux autres films de Richard Kelly d’ailleurs). Emprunt d’une philosophie métaphysique relativement poussée, le film met perpétuellement en dualité l’amour avec la haine, la religion avec le vraisemblable et enveloppe le tout dans un existentialisme exacerbé sous fond de voyage dans le temps. Un joyeux bordel comme on aime l’appeler par chez nous. Pour sûr que l’ensemble de la rédaction de Close-Up se creuse encore la tête afin de définir l’analyse ultime de ce film (et encore, on n’essaie pas d’analyser Southland Tales, on n’en a pas encore le courage). Essayons de poser des mots concrets sur Donnie Darko, histoire lynchéenne par excellence…

Tout d’abord, le film jouit d’une mise en scène vertigineuse. Richard Kelly nous mène joyeusement en bateau. Il parsème ses plans d’infimes indices. Tel un petit poucet scrupuleux, il dépose ci et là des éléments d’analyse sans jamais nous faciliter la tâche pour autant. Richard Kelly ne prend jamais aucun parti pris. Tantôt il va appuyer une thèse particulière, tantôt la séquence d’après il y développera son antithèse. C’est au spectateur de se forger sa propre opinion (facile à dire, mais pour une fois, on vous l’assure, ce n’est pas de la paresse d’auteur non inspiré). Donnie Darko va interroger les croyances et la morale du spectateur. Selon le vécu et la culture de chacun, le film aura un sens totalement différent. Mais s’il y a bien une chose sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, c’est la maestria de la réalisation. Richard Kelly se permet des envolées lyriques d’une richesse visuelle hallucinante. Plusieurs séquences sont devenues cultes pour les amoureux du film, mais celle que nous retiendrons parmi toutes reste l’arrivée au lycée des protagonistes. En l’espace d’un plan-séquence d’une fluidité sans pareil, Richard Kelly nous présente l’ensemble des protagonistes principaux de son film avec une délicatesse renversante. Le tout est accompagné par la sublime musique de Tears for Fears, un vrai régal pour les yeux et les oreilles.

D’ailleurs, la bande-originale du film est à souligner. L’histoire se déroule à la fin des années 80 et, pour notre plus grand plaisir, nous aurons la chance de redécouvrir des groupes comme INXS, Duran Duran, Joy Division ou encore Echo & The Bunnymen. Mais une fois encore, Richard Kelly ne se contente pas de nous divertir. Chaque morceau aura une importance primordiale. Les extraits qui défilent au sein des séquences possèdent des lyrics qui permettent de mieux comprendre la psyché de Donnie au moment de leur diffusion. Oui, le film vous demandera un effort de traduction, mais rassurez-vous, ce n’est pas spécialement nécessaire à la bonne compréhension de l’histoire. En revanche, revoir le film plusieurs fois pourrait grandement aider. Donnie Darko possède cet aura mystique qui donne envie de creuser pour y extraire toute sa substantifique moelle. Malheureusement, il a la fâcheuse tendance de nous parler différemment selon l’âge et le vécu que nous avons. Le film ne vieillit pas, il grandit et délivre des messages aussi bien au jeune ado de 16 ans qui se lance à peine dans la vie active qu’à l’adulte de 60 ans qui connaît les réalités de la vie et qui peut mettre à profit ses expériences à la bonne analyse de l’œuvre. En ce sens, l’écriture de Richard Kelly est à saluer. La richesse de son talent n’a d’égal que la grandeur de son film. Oui, Donnie Darko est une œuvre fascinante. Impossible d’émettre une analyse concrète et détaillée tant nous continuons encore et encore à percer ses mystères. S’il y a bien des éléments de réponses en notre possession, loin de nous l’idée de vous faciliter la tâche aujourd’hui. Nous n’en dévoilerons pas plus concernant ce film hors norme.

A la fois mystique, poétique, religieux, philosophique, scientifique et fantastique, Donnie Darko est un film archi-complet. Pour sa première réalisation, Richard Kelly frappait extrêmement fort. Disparu de la circulation depuis 10 ans et la sortie de son dernier film (The Box), Richard Kelly est une sorte de visionnaire, un amoureux de l’écriture et du cinéma. Il en a compris toute son essence et nous a transmis, avec Donnie Darko, un film atypique et fort qu’il ne faut pas manquer de (re)découvrir dans nos salles obscures cet été.

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