Companeros : 12 ans ferme

L’histoire de l’Amérique du Sud, parcourue de violences, de dictatures militaires et de coups d’états, est si vaste qu’elle pourrait alimenter des centaines de films. Avec Companeros, le cinéaste Alvaro Brechner s’intéresse à une période sombre de l’Uruguay. En 1973, alors que le pays bascule en pleine dictature, de nombreux membres des Tupamaros, opposants politiques, sont enfermés en prison avec un mépris ahurissant des droits de l’Homme. Le film suivra les 12 années d’enfermement de trois d’entre eux, parmi lesquels se trouve José Mujica, futur président du pays.

Malgré un petit texte explicatif en ouverture du film, Companeros ne prend pas le spectateur par la main et le jette dans le récit avec la même violence qu’on a jeté les personnages en prison. Les vingt premières minutes sont alors laborieuses, on prend nos repères, on découvre les personnages, on tâche de comprendre où l’on est et ce qu’il se passe. Passé ce début chaotique, le film finit par trouver son rythme, celui des années d’emprisonnement de ses personnages, marqués par d’incessants changements de prison au fil des ans. On y découvre comment nos héros sont traités, considérés comme des traîtres à qui l’on ne doit plus adresser la parole, plus enlever les menottes (quand les menottes empêchent l’un d’eux de faire la grosse commission aux toilettes, il s’ensuit un défilé absurde de gradés incapables de régler la situation) et si on les considère parfois avec égard, c’est simplement quand des représentants de la Croix-Rouge passent faire leur visite.

Malmenés, torturés pour leurs convictions, les personnages du film doivent trouver des moyens de résister à la tourmente morale et aux flots incessants des pensées qui les assaillent. Ils trouvent parfois un peu de paix du côté des gardiens, à l’image de ce sergent demandant à l’écrivain Mauricio Rosencof de l’aider à écrire des lettres d’amour. Comment décrire cet enfermement à la fois physique et presque psychologique ? En se basant énormément sur la répétition. À ce niveau, Companeros n’apporte pas grand-chose à un genre déjà balisé, usant de flashs-back pour donner du corps à son récit. On saluera néanmoins leur présence car ils parviennent à apporter un peu d’attachement à des personnages nous semblant bien lointains. En effet, les scènes se déroulant dans les prisons étant nombreuses, on a parfois du mal à dépasser la condition physique des personnages pour vraiment les comprendre.

À ce niveau-là, Companeros est clairement un film sensoriel, faisant partager l’enfermement de ses personnages sans nous faire réellement comprendre les convictions qui les ont menés en prison. C’est là le sujet d’un autre film, Brechner préférant nous proposer de la claustrophobie, de la violence et de l’isolement. Au bout d’un moment on finit par avoir l’impression d’avoir partagé de rudes moments avec des camarades, faisant de Companeros un film jusqu’au-boutiste pas forcément facile d’accès mais ayant le mérite de proposer un film âpre sur un contexte politique qui le fut tout autant.

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