Dawson City – Le temps suspendu : Voyage temporel inestimable

Le 5 août prochain c’est à un voyage dans le temps que nous invite Dawson City – Le temps suspendu. Cinéaste expérimental qui pratique depuis toujours le collage et le found-footage, Bill Morrison livre une fois de plus un travail assez incroyable avec ce nouveau film, débarquant enfin en salles chez nous après un parcours en festivals en 2016 et 2017. Rien que le point de départ de Dawson City – Le temps suspendu est fascinant : en 1978, dans la ville de Dawson au Canada (à 560 kilomètres au sud du cercle polaire arctique), en faisant des travaux, le conducteur d’une pelleteuse découvre dans la terre, miraculeusement conservées par le permafrost, des centaines de bobines de films. Alors qu’on estime que la totalité de la production des films muets a disparu à près de 75%, cette découverte est inestimable (et s’explique par le fait que les studios, peu désireux de payer le coût de rapatriement de leurs films d’aussi loin, en laissaient dépérir énormément, Dawson City se trouvant au bout de la chaîne d’exploitation cinématographique). Bill Morrison s’empare donc de tout ce qui a été trouvé (films muets, films d’actualité, images d’archives, photographies historiques) et commence à travailler dessus.

Il en résulte donc cet objet fascinant qu’est Dawson City – Le temps suspendu, fruit d’un travail de longue haleine dans lequel Bill Morrison part de ces bobines pour nous conter l’histoire de Dawson City depuis sa création. On y apprend que la ville a été érigée après qu’on ait trouvé de l’or dans les environs et chassé la population locale des environs. Très vite, Dawson City attire de nombreux chercheurs d’or et la ville s’agrandit avec ce qu’il faut de casinos, de saloons et de nombreux incendies dans les cinémas, inévitables vu les pellicules en nitrate utilisées à l’époque. Bill Morrison retrace donc tout l’historique de la ville, faisant parfois des parallèles avec l’Histoire, nous montrant des figures qui deviendront connues et feront fortune, à l’image de ce vendeur de journaux qui finira par construire son propre cinéma et travailler avec Chaplin. Une image de l’american dream quand il semblait encore possible, quand l’Amérique était une terre de promesses qui n’a cependant jamais chassé la violence de ses territoires et quand l’écologie était loin d’être une considération primordiale (de nombreux déchets, y compris des mètres et des mètres de bobine de films ont été jetés sans vergogne dans la Yukon River).

Avec les images d’archives qu’il a à sa disposition, bien aidé par l’envoûtante partition d’Alex Somers, Morrison nous propose donc un voyage dans le temps duquel il est impossible de sortir sans qu’une profonde mélancolie nous étreigne. Ce que nous avons sous les yeux sont les précieux témoins d’une époque où l’on ne tenait pas encore à cœur la conservation des images et du patrimoine culturel. Chaque plan du film apparaît alors comme un diamant brut qui révèle sa beauté devant nos yeux ébahis. Fascinante, l’histoire de Dawson semble palpable à travers toutes ces images et l’on a la vive impression de vivre cette période, sa rudesse et ses nombreux possibles. Témoin historique indispensable, voyage mélancolique à travers le temps, histoire d’une ville et du cinéma muet, Dawson City – Le temps suspendu est peut-être la plus belle surprise de cet été, un joyau dont les images restent à jamais gravés dans la tête et le cœur.

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