Thalasso : Entre fiction et réalité.

Cinq ans après L’enlèvement de Michel Houellebecq, au littéral comme dans la fiction, vient le dernier film de Guillaume Nicloux, Thalasso, dans lequel nous y retrouvons Michel Houellebecq, ses anciens ravisseurs et le géant Gérard Depardieu. Dans ce long-métrage, Michel Houellebecq est envoyé en thalasso dans laquelle il fait la rencontre fortuite de Gérard Depardieu. S’installe alors une amitié forte et un duo très imposant prend forme, presque à l’image d’un Laurel et Hardy, dans tous les sens du terme. Rapidement, les ravisseurs de Michel Houellebecq viennent lui demander de l’aide sur la disparition de la mère du chef des ravisseurs.

Thalasso est une fiction dans laquelle se mêlent mystère et humour absurde. Dès le début du film on comprend que la fiction et la réalité vont se côtoyer et s’enchevêtrer de manière assez chaotique, rythmé par les dialogues improvisés des deux personnalités. Il faut avouer que le film est un sacré morceau d’acting. Les deux personnalités crèvent totalement l’écran et font totalement contraste l’une envers l’autre. Le personnage principal et centre de l’histoire est clairement Michel Houellebecq. Cela n’empêche pas Gérard Depardieu de lui bouffer intégralement l’écran et la vedette par sa prestance et son charisme. Heureusement que Michel Houellebecq a un caractère bien à lui pour que son aura fasse face à son interlocuteur. Jouant son propre rôle, son passé et sa carrière le vissent dans son personnage et lui évitent d’être totalement éclipsé par la carrière et le passé encore plus imposants de Depardieu. En dehors de l’histoire en elle-même, Thalasso présente deux immenses personnalités françaises qui parlent, discutent et occupent l’espace cinématographique pour débattre de choses et d’autres.

Guillaume Nicloux insiste sur le fait qu’il y a toujours une distanciation entre ce qu’on sait de l’acteur, ce qu’on attend de lui et ce qu’il est vraiment. Cette distanciation se joue également dans la narration et les dialogues des protagonistes. Leurs sincérités de jeu semblent signifier leurs propos évoquant un sentiment profond en eux et transcendant littéralement le cadre filmique. Cependant le contexte est si fertile au doute et à la remise en question qu’il est difficile de cerner ce que l’on doit croire de ce que l’on doit ressentir. La plupart des dialogues sont clairement improvisés, mais les réactions qu’ils suscitent le sont-elles aussi ? Cette osmose entre les personnages de fiction incarnés par des personnages bien réels rend le tout assez fascinant. Un exercice déjà usité par le passé mais auquel Nicloux parvient à donner corps avec de bons choix de mise en scène et une histoire finalement assez accessible.

Par certains aspects Thalasso semble être un subtil mélange entre Quentin Dupieux et Bertrand Blier. À titre de comparaison, on croirait que tout le film est à l’image de la scène de fin de Convoi Exceptionnel. Malgré un certain mysticisme dans le scénario, quelques grandes fulgurances comiques se dégagent de cette production. Un comique relativement abstrait mais plutôt bien intégré, notamment sur des sujets politiques qui feront grincer des dents quelques personnes. Dans le fond c’est un film assez grinçant avec un léger côté sénile chez ses protagonistes principaux pour le rendre plus excentrique. La scène de fin reste assez mystérieuse et abstraite, voire obscure. Elle semble plutôt être là pour laisser planer le doute sans forcément apporter « une » réponse ni vraiment laisser le choix au spectateur de se forger son propre avis. Une seconde lecture est peut-être nécessaire pour l’interpréter car sa facilité factuelle la rend trop évidente et assez maladroite venant du réalisateur. Cependant son effet comique est assumé et il faut peut-être se dire qu’il s’agit plus d’une grosse mascarade assez barrée qu’une véritable interrogation métaphysique quelconque.

Il n’y a clairement pas de nécessité de voir le film précédent, L’enlèvement de Michel Houellebecq, pour comprendre et savourer Thalasso. Dans un premier temps, car ils en font tellement mention qu’on finit par le connaître par cœur sans l’avoir vu, et ensuite parce que celui-ci vit tout à fait sans son prédécesseur. Nous pourrions même aller plus loin : Michel Houellebecq est une personnalité également dans le film mais personne ne semble vraiment faire mention de son enlèvement, comme si ce n’était qu’une fable de sa pure imagination. Ainsi le téléfilm de 2014 n’est peut-être ainsi qu’une fable au sens littéral du terme et n’est pas nécessaire au visionnage de ce long-métrage. Tout cela alimentant encore plus ce lien perpétuel entre fiction et réalité. Toujours est-il qu’il s’agit là d’un film très bien rodé, loin d’être absolument transcendant ou de devenir un incontournable évidemment. Ses acteurs sont extrêmement talentueux et on s’attache très vite aux personnages. L’histoire filtre juste ce qu’il faut de mystère pour rester tenu en haleine jusqu’à la toute fin et l’opposition des deux caractères bien trempés devrait suffire à vous tirer quelques sourires et vous faire oublier qu’il fait peut-être encore une chaleur étouffante en dehors de la salle de cinéma.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*