Made in Hong Kong : La Fureur de vivre

Le 9 mai dernier, Carlotta a aligné les étoiles du cinéma asiatique. Alors que La légende de la montagne de King Hu sortait pour la première fois en Blu-ray dans sa version intégrale, Made in Hong Kong débarquait dans certaines salles de cinéma pour fêter son vingtième anniversaire. Le film de Fruit Chan, paré d’une restauration 4K supervisée en personne par le réalisateur, se redécouvre donc aujourd’hui avec toute sa force.

Tourné avec une énergie rappelant aussi bien la Nouvelle Vague française que les premiers films de Martin Scorsese (on pense beaucoup à Mean Streets), Made in Hong Kong nous fait suivre le quotidien de Mi-Août, jeune voyou vivant de menus larcins. Collecteur de dettes pour un truand local, Mi-Août a pris sous son aile Jacky, handicapé mental qu’il protège des coups des gamins du quartier. Mais sa vie va être bouleversée par sa rencontre avec deux femmes : une suicidée retrouvée sur le trottoir avec deux lettres dans la main et Ah Ping, jeune femme atteinte d’une maladie incurable dont il tombe amoureux.

A priori rien de bien bouleversant dans l’intrigue de ce film qui dégage pourtant une énergie folle. Tourné à partir de chutes de pellicule quelques mois avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine, le film parvient à capter l’air du temps avec une finesse incroyable. La vie dans les quartiers de Hong Kong, le quotidien de Mi-Août, tout est filmé avec un réalisme saisissant. Et pourtant, Fruit Chan n’hésite pas à faire basculer son film dans l’onirisme quand il le faut : couleurs saturés, parfois très bleutées, montage saccadé, ralentis empruntés à Wong Kar-wai… Chan ne recule devant aucun obstacle pour capter la vie, celle des bas-fonds de cette immense mégapole, celle que l’on doit vivre vite pour ne pas se faire noyer. Une vie brûlée vécue à cent à l’heure, une vie qui s’arrête bien souvent quand on est jeune avec l’avantage que la mort confère quand elle rencontre la jeunesse, inscrivant celle-ci dans l’éternité.

Il faut dire que Mi-Août est un personnage fort, jeune homme conscient d’être voyou mais ayant envie de faire le bien. Ce n’est pas pour rien qu’il prend Jacky sous son aile et qu’il veut aider Ah Ping à guérir. C’est un gamin coincé dans un milieu qui ne le laissera pas s’en sortir alors qu’il sait qu’il vaut mieux que ça. D’ailleurs, la voix-off de Mi-Août est souvent d’une lucidité implacable, qualifiant les adultes ‘’de lâches au cœur noir comme de la merde.’’ Le personnage, attachant jusque dans ses défauts, est un de ces grands perdus magnifiques que le cinéma aime à raconter, vivant à l’excès sans se soucier du lendemain.

A mi-chemin entre romantisme et naturalisme cru, Made in Hong Kong est une œuvre bouleversante qui tire sa force de sa durée. Dès le début, nerveux et furieusement interprété (tous les acteurs sont épatants), le film agit comme une cocotte-minute. Bouillant pendant près d’1h30, le film finit par exploser et nous envoyer en pleine figure sa violence, son sentiment de mort omniprésent et son romantisme exacerbé. Le dernier quart d’heure est particulièrement bouleversant, amenant le récit vers quelque chose de particulièrement fort et touchant, nous montrant une jeunesse hong-kongaise plus séduite à l’idée de la mort que celle de la vie, trop dure avec ceux qui comme eux, ont trop de haine ou trop d’amour dans les yeux. Un film qui se vit comme un état d’urgence, l’urgence de vivre, tout simplement.

 

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