Batman Ninja : Des limites ? Quelles limites ?

Batman Ninja. Dès le titre, on sait où on met les pieds. Pas de relecture sombre, d’adaptation obscure d’un comics que personne ne connait, où de revival de tel ou tel pan de la mythologie de la chauve-souris. Non, rien de tout ça, le film est aussi bête (mais pas méchant), que son titre le laisse entendre : Batman devient un ninja au pays des ninjas, à l’époque des ninjas. Le but n’est pas ici de s’interroger sur le pourquoi du comment : Batman est cool, les ninjas sont cools et c’est parti. Moins de 5 minutes à l’écran suffisent à téléporter Batman et bon nombre d’autres personnages dans le Japon féodal, à cause d’une invention défaillante de Gorilla Grodd. Un synopsis prétexte, qui a la politesse d’être vite expédié. Batman a néanmoins quelques secondes de retard sur les autres, ce qui se traduit en années à l’atterrissage, le temps pour le Joker de devenir le seigneur du coin. Mais Bruce ne se laissera pas intimider par tout ce changement pour autant, à peine 5 minutes de plus pour s’adapter à la situation et le fun s’impose comme seule priorité.

Les préliminaires passées, les scènes d’actions s’enchaînent avec peu de temps morts, au gré de la folie douce du scénario. Les références sont variées, mais toujours respectueuses. On retrouve des codes de l’univers de Batman, comme les sbires aux couleurs de leur chef de gang (ici, avec des armures de samouraïs et des masques en métal), mais aussi des traces de chanbara, voire même de sentaï ! Ce mélange peut paraître vulgaire sur le papier, mais reste bienveillant avec son matériau d’origine, autant qu’avec les différents emprunts qu’il en fait. Rien ne semble arrêter Junpei Mizusaki, le réalisateur de cette délicieuse  absurdité. À l’image d’un enfant dans sa chambre, il invente une histoire improbable, faisant fi des conventions, mélangeant les univers qu’il a sous la main, tout en restant cohérent vis-à-vis du déroulement des événements. Le fond est sommaire (Batman ne cherche rien de plus qu’à rentrer chez lui) et l’analyser de trop près serait une perte de temps. Mais si notre héros évolue de la plus basique des manières, on pourrait cependant reprocher à Bruce Wayne d’être trop lisse, réduit au rôle de simple écrin à la folie ambiante. Pour le bien de l’avancée du scénario, ce dernier, plus nigaud qu’à l’accoutumée, va tomber dans tous les pièges ou simplement foncer dans la gueule du loup pour favoriser l’action. Au chapitre des regrets, on peut aussi ajouter le peu de temps d’exposition dont bénéficient les ennemis, autres que le Joker et Harley Quinn, en partie dû à la durée du film (1h30).

Mais il tient déjà de la prouesse que de proposer autant d’action en si peu de temps. Batman Ninja propose une diversité d’affrontements et de moments d’anthologie pour les amateurs de nanars (dans tout ce que l’appellation peut avoir de flatteur). Les enchainements de scènes sont soutenus par un soin particulier apporté aux modèles 3D et à l’animation. Le spectateur, à l’annonce du projet, pouvait émettre certaines appréhensions devant ces modèles, rappelant la très médiocre adaptation du manga Berserk de 2017. Mais il n’en est rien heureusement : bien que les visages, leurs expressions et le lip sync soient perfectibles, les mouvements des corps aidés par le montage nerveux (notamment lors du dernier combat) rattrapent le tout et cachent habilement ce défaut. Mais l’animation 3D n’est pas la seule à être représentée ici, certains passages sont animés en 2D pour marquer une fracture avec le reste des événements, comme ce résumé du passé via une estampe traditionnelle. On jongle habilement avec différents styles, sans que cela soit dérangeant.

« Regarde comme on s’amuse ! » déclare le Joker à Batman, face aux chaos qu’il a entraîné. Véritable maxime du film, le fun est le mot d’ordre, pour qui accepte ce trip dénué de contraintes. La force de ce type de productions se trouve aussi dans sa limite. L’enthousiaste y trouvera son compte là où celui qui n’adhère pas au pitch ne changera pas d’avis après visionnage. Un tel bouillon va bien entendu faire des déçus, d’autant que certains choix respirent la gratuité à simple but jouissif, à l’image de cette bande son (avec un passage chanté discutable) à la qualité variable. L’aspect cheap côtoie le sérieux de l’artisanat avec lequel le film a été produit, ce qui le sauve d’être une simple œuvre putassière. D’autant qu’il saura se démarquer, en bien ou en mal selon le public, des autres DTV signés DC Comics qui sortent au cours de l’année, rarement mémorables.

« Ils ne vont quand même pas oser » se demande-t-on à plusieurs reprises au cours du visionnage et le plus souvent la réponse est : « Mais bien sûr que si ! » Batman Ninja, tout en essayant de les repousser, est conscient de ses limites, il se démarque avec son audace et son grain de folie, sans jamais se prendre au sérieux. Un plaisir coupable que l’on aurait tort de bouder.

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