Les Blagues de Toto : Triomphe de la crétinerie

0+0 = ? Qui n’a jamais fait cette blague éculée digne des plus grandes cours de récréation ? Le personnage de Toto est devenu une figure emblématique des vannes enfantines. On a tous grandi avec les déboires de Toto. L’origine de ces blagues remonte en 1892 où Toto était le surnom employé pour désigner un cancre en littérature. Il deviendra un personnage à part entière en 1910 dans le vaudeville de Georges Feydeau, On Purge Bébé, dans lequel il sera décrit comme un enfant gaffeur, obstiné et insolent. Le mythe Toto était né. Entre recueils de blagues, incursion dans le roman Le Démon de la Peur, diverses citations au théâtre…il prendra une ampleur nettement plus conséquente en 2012 dans la mini-série animée La Tête à Toto, adaptée des recueils de blagues. Deux ans plus tard sort la première bande-dessinée Les Blagues de Toto sous la supervision de Thierry Copée dans laquelle Toto dévoile son univers : enfant d’une famille divorcée, trublion en puissance à l’école et qui fait le bonheur de ses camarades et le malheur des enseignants. Sur le principe d’histoires courtes (une page, une histoire), Les Blagues de Toto offre un univers enfantin dans la directe lignée que furent les ouvrages Cédric, Titeuf et consorts. Immense succès en librairie, il n’en fallait pas moins pour que ses blagues lui ouvrent les portes du grand écran. C’est ainsi que se posent les fondations du nouveau film de Pascal Bourdiaux (Fiston, Boule et Bill 2), Les Blagues de Toto disponible en DVD et Blu-Ray chez M6 Vidéos depuis le 9 décembre dernier.

À l’école, Toto est bien plus doué pour faire rire ses copains qu’écouter les leçons de la maîtresse. Avec ses parents aussi, les blagues de Toto se transforment souvent en catastrophes. La dernière en date ? La chute d’une sculpture pendant un événement organisé par le patron de son père. Mais cette fois-ci, Toto assure qu’il est innocent et refuse d’être accusé d’une bêtise qu’il, pour une fois, n’a pas faite. Avec ses meilleurs amis, il va mener l’enquête.

Ces dernières années, les adaptations cinématographiques de nos héros de bande-dessinée ont eu le vent en poupe. Du beau monde s’est frotté à l’exercice, sans jamais vraiment laisser de traces impérissables dans la plupart des cas. Mis à part Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, véritable succès public, difficile de trouver une adaptation qui fasse l’unanimité. Si Les Aventures du Petit Nicolas, Boule et Bill ou encore L’élève Ducobu étaient, somme toute, sympathiques et tendres envers la nostalgie de nos lectures passées, rien ne ressort pour autant parmi des incontournables du genre. Pire que tout, le succès populaire des premiers opus (qu’on explique surtout par l’engouement nostalgique) ont engendré des suites particulièrement mauvaises nous renvoyant immédiatement nous plonger dans les ouvrages dessinés afin d’y nettoyer nos rétines souillées. Et la crainte de revivre ce type de cauchemar se faisait lourdement sentir à l’approche des Blagues de Toto. Tous les indices étaient présents pour nous faire craindre le pire : affiche aux multiples citations critiques pour nous assurer que c’est drôle, campagne de publicité à outrance, casting qualitatif où chacun des acteurs bénéficiera d’une affiche à son effigie…les studios ont mis le paquet sur la communication du film. Sorti le 5 août dernier au cinéma, il se plaçait au cœur d’un été particulier puisque la pandémie du COVID-19 faisait rage. Les Blagues de Toto aurait pu être ce spectacle familial capable de ramener de nouveau petits et grands dans une salle obscure. Le film n’aura séduit qu’un peu plus d’un million de spectateurs. Bien que la crise pandémique puisse être un facteur du petit résultat au box-office, arrêtons de tourner autour du pot plus longtemps, Les Blagues de Toto n’est vraiment pas un bon film !

Rien ne fonctionne dans le film. Si le jeune Gavril Dartevelle étonne par une aisance incroyable du haut de ses 13 ans dans le rôle titre, il doit jouer un enfant qui ne sera absolument jamais attendrissant. Les Blagues de Toto ne joue pas avec la malice de son héros, il en fait un enfant détestable sur tous les points. Toto est un enfant qui se complaît dans sa bêtise. Ses blagues ne sont, au mieux, jamais drôles, au pire, méchantes et gratuites. Il jouit d’une satisfaction malsaine à torturer son entourage. Entre son père, sa tête de turc préférée, le chat du voisin qu’il maltraite gratuitement et sa misogynie naissante, il y a de quoi être consterné. De fait, impossible de ressentir une quelconque empathie lorsque le malheur s’abat sur le petit garçon. À force de crier au loup, il récolte ce qu’il mérite. La pension dans laquelle il est menacé d’être envoyé est probablement la meilleure décision prise dans le film. D’ailleurs, les parents de Toto (Guillaume de Tonquédec et Anne Marivin) sont symptomatiques de ce qui ne va pas dans le film. Le seul éclair de lucidité qu’ils ont provient de la décision du pensionnat. Autrement, jamais ils n’ont de réactions de parents censés. Prenons pour exemple comparatif, Denis la Malice, à qui Toto doit énormément de choses mine de rien. Chez Denis, ses parents lui vouent un amour inconditionnel, mais savent se faire respecter et arrêter leur enfant lorsqu’il va trop loin. Ici, Toto est en roue libre totale. On lui laisse tout passer sous prétexte que « c’est notre enfant, on l’aime ». Quel film normalement constitué, et qui cible un public jeune de surcroît, peut s’en sortir avec une morale aussi abjecte que celle des Blagues de Toto ? Le film de Pascal Bourdiaux se termine avec un message similaire à : « soyez stupides et faites des blagues, les représailles n’existent pas ». Non, non et trois fois non !! Ce film est indigent, d’une grossièreté moralisatrice exécrable, pour ne pas dire « dangereuse » pour les enfants. Il faut arrêter de se dire qu’un film pour enfant doit abonder dans ce sens là. Arrêtons de les prendre pour plus bêtes qu’ils ne le sont. Où sont passés les Maman, J’ai Raté l’Avion ? Ces films qui nous montraient des enfants adeptes de bêtises, mais qui opéraient tout de même à une catharsis certaine et permettaient d’amener une morale essentielle au développement du jeune spectateur en face. Nous nous refusons de croire que cette époque est révolue, il y aura toujours des œuvres qui se détacheront du lot…mais pas Les Blagues de Toto !

Les Blagues de Toto est une ode à la crétinerie bête et méchante. Pas drôle pour un sou, le film s’étend dans un univers où même les adultes ont l’air d’avoir été à la même école que le héros : celle de la connerie décérébrée ! Une vraie purge qui vient racler les bas-fonds des pires comédies françaises. Encore une vraie abomination à qui l’on a attribué une trop grosse visibilité et qui contribue à bousiller le nivellement intellectuel des enfants vers le bas. De sa morale douteuse aux excentricités virulentes et pitoyables de son héros, Les Blagues de Toto est à éviter de toute urgence.

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