Nous le Peuple : La liberté des uns s’arrête là où celle des autres commencent

Où est-il écrit dans la loi qu’un détenu de prison perd sa citoyenneté ? Qu’une mère d’origine étrangère ne peut pas l’acquérir ? Ou qu’un adolescent n’a pas encore le droit d’être considéré comme citoyen ? C’est pourtant bien la France actuelle, un pays merveilleux où une grande partie de ses citoyens n’en ont même pas le titre. Est-ce l’âge, l’origine ou les erreurs judiciaires qui doivent déterminer ou non si l’on a la capacité intellectuelle et la sagesse de participer à la vie politique et le désir de l’améliorer? Alors que les composantes intrinsèques de chaque personne ne devraient pas être le critère d’écoute du gouvernement concernant les revendications de ses citoyens et habitants.

Nous le peuple est un documentaire réalisé par Claudine Bories et Patrice Chagnard. Il montre le projet fou de réunir des groupes sociaux que tout éloigne sur une problématique qui les concerne tous, la politique. Le but est donc de réunir un groupe de lycéens, de détenus et d’habitants de Villeneuve-Saint-Georges pour essayer de réécrire une constitution à leur image. Il s’agit là de réfléchir aux vraies problématiques du peuple et non de répondre aux désirs de politiques ne sachant plus ce qu’est la vie du commun des mortels. Sans jamais se rencontrer, ils tentent d’apporter chacun dans leur coin ce qui leur semble important pour une société loyale, équilibrée et protectrice de ses citoyens.

Le début du documentaire et son message principal font sa force, il s’agit d’un discours opposant le citoyen à la société et a ce que la caste politique en fait. Pendant les deux tiers du documentaire, les questions d’égalité raciale et d’identité de genre restent au second plan. Une chose plutôt appréciable car définir les problèmes systématiquement en fonction des origines de chacun n’est qu’une manière supplémentaire de stigmatiser les communautés et de dévaloriser les discours, les revendications. Le discours émouvant de fin reprend cependant le dessus sur ce que les gens pensent au fond d’eux même. Bien que le clivage black/blanc/beurre n’est qu’une manière de diviser pour mieux régner, on ne peut jamais vraiment s’exempter de nos origines, et il ne le faut pas, c’est ce qui nous identifie. Pour autant, et c’est là où le documentaire est particulièrement intéressant, c’est que peu importe les milieux sociaux d’où l’on vient, jamais une caste se prétendant comme supérieure ne nous écoutera. Et c’est encore plus vrai avec La République En Perdition qui s’attèle à chaque nouvelle proposition de loi de déshumaniser un peu plus le peuple qui compose cette république. En sommes, continuer a s’entre-déchirer sur qui souffre le plus entre les femmes, les noirs ou les juifs n’est qu’un moyen de nous détourner de nos vraies valeurs. Qui que nous soyons, ce que montre ce documentaire, c’est que le gouvernement ne nous écoute pas. Aussi différents puissions nous être les uns des autres, nous sommes irrémédiablement identiques face au mépris d’une caste politique qui ne s’occupe plus de nous. Et plutôt que de nous diviser en nous jugeant selon nos origines et nos valeurs, nous devrions, tout comme ces hommes et ces femmes que tout oppose, nous rassembler autour d’un projet commun.

Le film montre également que les mouvements sociaux se diversifient et se multiplient. Nous le peuple n’est qu’une des preuves supplémentaires de l’échec de cette république et de la perte d’autorité qu’elle constitue. À vouloir continuellement retirer des droits et des libertés, ils en enlèvent également les devoirs. Et que se passe-t-il quand une citoyenneté n’a plus de devoir ? Elle reprend le pouvoir. Et l’image de fin le montre bien, les sornettes et belles paroles du gouvernement prennent de moins en moins. Bien que des mouvements comme les gilets jaunes se font de plus en plus fréquents, ce n’est que le calme avant la tempête. Cette même image de fin ne joue pas forcément en la faveur du long métrage. Malgré une bonne intention, de nombreux efforts, beaucoup d’abnégation (toujours les mêmes qui en font preuve) et de nombreux compromis, ce n’est même pas un refus que l’on obtient mais l’interdiction même de pouvoir s’exprimer au nom de tous. La liberté la plus fondamentale de l’être humain, celle de s’exprimer, d’exprimer ses sentiments, ses inquiétudes, ses besoins, est totalement bafouée par la constitution, par les élus, par nos représentants gouvernementaux. Leur seule et unique mission, celle de nous représenter, de porter nos voix, n’est même pas respectée quand il s’agit simplement de demander un entretien, un débat, une tribune pour s’exprimer.

Autour de sa sincère ambition de montrer que le peuple est tout a fait capable de faire de la politique et de prendre part aux débats, Nous le Peuple présente surtout un pays qui est totalement dépourvu d’aptitude à gérer ses fonctions. Dans le fond c’est tout de même très inquiétant de se dire que les politiques font aussi peu confiance aux habitants qu’ils dirigent alors que ces derniers sont naturellement aptes à leur faire confiance. C’est même amusant de voir la diversité d’opinion des différents groupes qui finalement sentent que la clé est l’écoute, l’entraide et l’union pour réussir a s’en sortir. Les discours entre les jeunes (innocents et crédules mais assez vrais), les détenus (matures et désabusés, visant à parler pour l’avenir) et les mères/habitants de Villeneuve (peu probants mais sincères et portés par une vive volonté d’union et de rassemblement) est extrêmement représentatif d’une cohabitation entre personnes de milieux drastiquement différents.

Au travers de son message exclusivement politique au premier abord, c’est surtout l’aspect fédérateur du projet et la manière dont il a affecté tous ses acteurs qui donne du baume au cœur. Même si cela n’a factuellement pas abouti, on se sent investi par la démarche et le désir de soutenir le mouvement, de près ou de loin. On se rend bien compte qu’il manquait beaucoup d’éléments pour que cette tentative réussisse, mais l’étincelle qui embrasera une génération d’acteurs politiques s’est peut-être allumée durant ce documentaire. Et qui sait ce qui se passera dans la années a venir. On dit souvent que le calme précède la tempête.

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