Mon Chien Stupide : Ma famille, ma femme, mes batailles

Yvan Attal se situe entre deux eaux en tant que réalisateur. Il parle de lui, de ses rapports avec sa femme et de sa famille (Ma Femme est une Actrice / Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants), puis se pose beaucoup (trop) de questions sur la société (Do Not Disturb / Ils sont Partout / Le Brio). La phase A de son travail est la plus intéressante, par le prisme de sa femme et de son futur familial, il sème ses questions et ses doutes. La phase B est plus curieuse, gênante, voire lourdingue. Do Not Disturb n’est pas à conseiller, Ils sont Partout est incompréhensible. Seul reste Le Brio, regard tendre sur une jeune fille de banlieue qui persiste pour devenir avocate, film apparemment de commande qui dénote et subjugue par sa fraîcheur. 

Mon Chien Stupide, adaptation du roman éponyme de John Fante datant de 1985, permet de se raccrocher à la phase A de la filmographie d’Yvan Attal et de conclure une trilogie. Le film n’a pas été conçu comme tel, mais le roman assez acide et expurgé de beaucoup de choses ici, permet à Yvan Attal de raccrocher les wagons pour parler de ce qu’il connaît le mieux, lui. Lui et sa famille, sa femme Charlotte Gainsbourg que l’on retrouve dans le rôle de Cécile, et son fils Ben qui incarne le fils d’Henri incarné par Attal lui-même. Il y a un nouvel effet cathartique d’Attal d’expurger les pulsions cyniques d’Henri, en pleine crise de la cinquantaine, qui désigne sa femme Cécile et ses quatre enfants comme responsables de ses échecs, de son manque de libido ou encore de son mal de dos. En faisant le bilan critique de sa vie, Henri prend conscience de toutes les choses qu’il n’aura plus. Un énorme chien, aussi mal élevé qu’obsédé, va alors faire irruption dans sa vie et s’installer dans la maison familiale. Si cela ravit Henri, Cécile et ses enfants ne sont pas du même avis.

L’irruption du chien est fantastique permettant d’aérer le film et d’enjailler le spectateur de ses manières féroces auprès du voisinage et sexuelles sur la plage. Tout cela aura tout de même des répercussions, notamment sur l’un de ses fils. Tout cela pour en venir à un père jamais présent pour eux, ne pensant qu’à sa défaite de la vie et de son art en arrêt sur un seul succès. C’est la faute des autres, mais la sienne surtout. Le chien débarque sous les broussailles pour être la perpendiculaire d’Henri. Le chien est stupide, goinfre et libidineux, quand Henri est tout le contraire. Le chien n’a rapidement plus sa place dans le film quand les enjeux sont posés : Faire partir les gamins de la maison pour mieux régner seul. On s’en amuse de ses calculs savants, mais sans ses enfants, Cécile sa femme, va se lasser… Des actes qui ont des conséquences et l’on s’en amuse de voir Yvan Attal sombrer au creux de l’imperméable d’Henri, car Mon Chien Stupide est savoureux. Le film rebondit en permanence de comique à dramatique.
Au cœur de cette maison débordante de livres et d’énergie, nous avons l’impression d’être au cœur d’un cinéma-boulevard de vie. Les portes claquent et les gens s’engueulent et hurlent leurs amours sous-jacents. Yvan Attal réussit à capter les ingrédients justes d’une famille normale qui s’épuise, mais s’aime. Dur est de trouver sa place en tant qu’enfants avec qualités et défauts, en tant que femme qui a fait tous les sacrifices pour le bonheur de celle-ci et en tant que père dont le succès et les petites commandes minables payent à tous leurs vies et leurs conforts. Le père qui dans ce brouhaha permanent ne trouve plus l’inspiration… Mais la réponse est ailleurs.

Regard sur une case privilégiée aux problèmes de riche, Yvan Attal réussit à nous accrocher par une justesse d’écriture. Nous avons l’impression d’y être et de partager ses cris et ses douleurs. Car leurs problèmes sont les nôtres, à différentes mesures. Puis ce rapprochement peut faire sourire et rire, le cynisme et le sarcasme étant bien menés et jugés. Yvan Attal réussit à prendre la mesure de Mon Chien Stupide pour mieux l’adapter à son cinéma et en réaliser un film original. Mon Chien Stupide prend de la place, saute sur les gens et bave sur le canapé, mais il est attachant et joyeux. Il y a de l’espoir avec ce chien et ce film, mais surtout d’excellents comédiens qui se saisissent pour bien mener un film drôle et réfléchi.

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