Maléfique – Le pouvoir du mal : Tout le système Disney, avec ses forces et ses (grosses) faiblesses

Disney, cette vision merveilleuse du cinéma, leur manie de revisiter tous leurs classiques par les outils actuels, rendant toutes leurs tentatives aussi lisses et aseptisées les unes que les autres ! Autant dire que nous ne sommes plus clients depuis un bon bout de temps de ces produits fabriqués desquels il est impossible de retirer quoi que ce soit de neuf ou personnel, les cinéastes mis à la barre de ces films n’étant que des mercenaires, prête-noms acceptant dès le départ de récupérer leur gros chèque pour réaliser le film prévu par la grosse machine, sans possibilité de la moindre tentative un peu personnelle. Une suite de plans attendus, avec l’étalonnage habituel, désincarnant tout le décor, les personnages n’étant plus que des coquilles vides dont toute substance est prohibée. Qu’il s’agisse des Marvelleries ou des adaptations live de leurs classiques animés, tous les films sont passés à la moulinette de leur vision unilatérale du cinéma, et le nombre de morts artistiques est assez déplorable, car que retenir de cette masse de films tous identiques, réalisés par des tâcherons sans âme, dont les plans pourraient être intervertis de film en film sans que le public n’y voit que du feu ? Cependant, il faut également reconnaître que malgré cette vision inquiétante pour le futur du cinéma d’entertainment, le public est toujours au rendez-vous, ce qui prouve au moins une chose, le studio a compris comment attirer le public moderne dans les  salles, et la formule, aussi prévisible soit-elle, est suffisamment efficace pour faire effet dans l’immédiat, dans l’acceptation d’un cinéma fast food sitôt vu sitôt digéré, avant de passer au suivant, selon une logique commerciale imparable, aux airs de machinerie que rien ne peut arrêter. Mais qu’en est-il concrètement de cette suite du Maléfique réalisé en 2014, qui s’il ne nous a pas laissé un souvenir impérissable, n’en demeurait pas moins plaisant et, quoi qu’on en dise, n’avait pas loupé sa cible ? Difficile à dire, car s’il est certain que nous ne sommes pas à priori le public visé par ce type de programme, on ne niera pas pour autant que sur les 2 heures de projection, malgré 20 minutes en trop à la fin, le spectacle aura été au rendez-vous, avec tout ce que l’on peut attendre de pareille entreprise.

Maleficent est redevenue gentille, tout le monde est beau et gentil, et la princesse Aurore a répondu positivement à la demande en mariage du prince Philippe. Ce qui amène l’ancienne méchante Reine à se rendre à un repas dans le château de la famille de ce dernier, ce qui sera le déclencheur des « terribles » évènements à venir, machinations et alliances amenant les deux royaumes à se faire la guerre. Mais bien entendu, les apparences n’étant pas ce qu’elles paraissent, nous découvrirons sans grande surprise que les ficelles sont tirées par un nouveau personnage très méchant dont nous ne dirons rien de plus, afin de ne pas gâcher le plaisir des spectateurs visés.

Il est toujours difficile de résumer un film sans en dévoiler les enjeux principaux, et plus particulièrement sur ce type de film où tout est gardé secret le plus longtemps possible avant la sortie. De toute façon, il n’est pas franchement indispensable de s’appesantir sur l’intrigue, ce qui importe le plus ici, étant la fabrication même du film. Car s’il y a bien une chose que l’on peut reconnaître à la machine de guerre Disney, c’est cette faculté à aller d’un point A à un point Z sans jamais perdre de vue sa destination, et en n’oubliant aucun passage obligé afin de tenir éveillé son public. Comme nous l’avons dit en entame, il semble évident que nous ne sommes par le public premier pour ce type d’œuvre, cependant, malgré toute la mauvaise volonté que l’on pourrait y mettre, et si nous n’avons nullement été transportés par le voyage, nous serions vraiment de très mauvaise foi en affirmant que le résultat est une nullité sans nom. Avouons donc que si la féérie n’est pas au rendez-vous (nous y reviendrons), le rythme suffisamment tenu permet de regarder le tout d’un œil vaguement distrait, tout en ayant conscience que cet univers totalement sous contrôle, sans rien qui ne dépasse, empêche toute réelle implication émotionnelle devant des personnages qui ne sont que de pures figures sans âme et sans réelle possibilité d’évolution. Purs archétypes afin de ne jamais perdre son jeune public, tous les enjeux sont clairement identifiés et les scénaristes ne cherchent même plus à créer la moindre ambiguïté, étant acquis depuis le premier film que la « méchante » reine possède en réalité un cœur pur.

S’il y a donc une chose que l’on retiendra principalement ici, comme un ultime deuil de ce qui a fait la sève de ce type de film il y a bien longtemps, concerne donc les outils utilisés pour donner vie à cet univers féérique. Avant le numérique, tout était beaucoup plus palpable, et les enfants émerveillés pouvaient réellement ressentir les décors, les couleurs, la magie tout simplement. Les effets étaient le résultat d’un travail artisanal, qui donnait réellement de la vie à tout ce qui se trouvait devant la caméra. Comme la sensation de se balader dans un rêve d’enfant, naïf et merveilleux. Bien évidemment, cela fait longtemps que tout ceci est révolu, et ce qui était de prime abord une révolution technologique s’est progressivement transformé, par la paresse des studios ne voulant plus se prendre la tête, en une suite de films tout identiques, avec les mêmes fonds numériques sur les paysages, les mêmes petites créatures censément toutes mignonnes mais ne provoquant plus rien sur le spectateur, pas même un vague haussement de sourcils. Tout simplement parce qu’il n’est plus dupe, et même les jeunes spectateurs sont désormais au fait de tous les trucs, et ne sentent plus cette magie due au travail d’artisans à l’ancienne. Il est donc assez triste de se résoudre à contempler cet univers entièrement faux, où pas la moindre image ne semble rescapée de cette triste vision totalement désincarnée du médium. Si l’on sait ce que l’on s’apprête à voir en rentrant dans la salle, il est toujours un peu triste de constater que cette capacité d’émerveillement du cinéma de divertissement a totalement disparue, et sûrement pour longtemps, du moins à l’intérieur du système des studios.

Ceci étant clairement assimilé et accepté (ou non), nous reste le plaisir fugace d’un divertissement correctement ficelé, dont les quelques scènes spectaculaires nous offrent ce qu’il faut de prises de vue vertigineuses pour que l’on s’en contente, sur le coup. Ce qui est tout de même à prendre avec des pincettes, et montre bien à quel point on en est rendus. Nous concernant, nous retiendrons surtout la prestation pleine de réjouissante perversité de Michelle Pfeiffer, sûrement la meilleure raison d’aller voir le film. Pour le reste, c’est évidemment une guimauve sans nom, s’éternisant au-delà du supportable sur ses dernières minutes, mais comme nous sommes chez Disney, cela ne devrait plus nous étonner.  

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  1. Box-Office US du 18/10/2019 au 20/10/2019 -

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