Brimstone : Comme une odeur de souf(f)re

Peut-on affronter une entité divine ? Peut-on vaincre les forces du mal ? Mais surtout, est-il possible d’affronter son destin ? Tels sont les questionnements de Brimstone. Réalisé par Martin Koolhoven et mettant en scène Guy Pearce, Dakota Fanning et Kit Harrington enfin présent dans un film intéressant et ambitieux, Brimstone raconte l’histoire fataliste et désastreuse d’une femme que sa vie a décidé de malmener. Pourtant une parfaite mère de famille au cœur juste, elle va constamment jouer de malchance et de mauvais choix.

Le long métrage franco-néerlandais se démarque principalement par son montage alterné rappelant nettement Memento, dans lequel Guy Pearce avait déjà fait ses preuves. Ici, le montage est d’abord découpé en chapitre, chacun commençant par la fin. Le récit commence donc à peu près par le milieu, puis développe les différents éléments d’intrigue tout en conservant le mystère jusqu’à la fin. On découvre ensuite les personnages de manière à ce qu’on ne découvre pas leurs secrets tout de suite et que l’on savoure l’histoire le plus longuement possible. Si la narration semble de prime abord difficile à suivre, obligeant le spectateur à rester concentré, les pièces du puzzle se mettent progressivement en place et l’histoire devient limpide. La temporalité du récit marque l’histoire de sortes de foreshadowing renforçant la maîtrise de l’écriture. Le suspense y est donc perpétuellement renouvelé et les réponses s’offrent telles des récompenses à celui qui a réfléchi jusqu’ici. Certains diront que c’est du plagiat de Nolan, proche de l’inutilité stylistique, il n’empêche qu’après coup, il apparaît extrêmement bien pensé. La logique du récit se construit par la déconstruction des séquences. C’est d’autant plus intéressant de voir comment on appréhende une histoire en déconstruisant totalement son schéma narratif et de constater qu’elle reste tout aussi intrigante et surprenante. Il est également intéressant de faire un parallèle entre la construction du montage pour raconter une histoire forte, complète et un développement profond des personnages ; et la destruction pure et simple de tous les aspects (physiques, psychologiques et théologiques) de notre héroïne.

D’une manière générale, les personnages de Brimstone sont extrêmement intéressants et en particulier le personnage principal et son antagoniste. L’une est forte, rusée, cherche continuellement à sauver sa peau tout en essayant de sauver les gens qui en valent la peine selon elle et en même temps de combattre ses démons. Et en face, son démon, LE démon, incarné par Guy Pearce. Dark Vador se pose souvent comme l’un des méchants les plus emblématiques et craint du cinéma, celui-ci peut largement prétendre au trône. Inquiétant, fort, intimidant, sans compassion et supérieur en tous points, il impose sa présence et force la peur chez ceux qui le dévisagent. Il avance inéluctablement vers sa victime sans jamais qu’aucun n’obstacle n’interrompe sa course, telle la mort décidant de ne plus attendre sa prochaine proie et d’aller directement à sa rencontre. La prestation de Guy Pearce y est tout bonnement magistrale. Le jeu d’acteur est d’ailleurs parfaitement dosé, piochant dans divers genres similaires (western, thriller, horreur) offrant un catalogue de situations qui s’adaptent à merveille au film et ses enjeux. La scène de Kit Harrington est d’ailleurs très évocatrice puisque les deux personnages principaux (Liz et le Révérend) imposent complètement leur présence par un jeu sobre, noir et impassible tandis que Samuel (Kit Harrington) arrive un peu comme une fleur dans cet environnement, un simple personnage comme n’importe quel héros de n’importe quel film de fiction un tant soit peu réaliste. Le contraste se fait littéralement ressentir, le Révérend occupant toute l’attention par sa simple présence alors que Samuel s’efface tel un fantôme. Le passé des deux acteurs joue également sur l’impact de leur personnage, Guy Pearce étant beaucoup plus charismatique que Kit Harrington par son expérience, son aura est beaucoup plus impactante, un effet évidemment recherché pour accentuer l’écart de puissance physique, mentale et d’emprise morale entre les deux personnages.

De son côté, l’héroïne est la parfaite incarnation de la fatalité. Si le karma décide de détruire votre vie, alors il ne se gênera sous aucun prétexte. Son personnage est extrêmement intéressant et l’un des plus résistants mentalement que le cinéma ait produit. Elle possède un mental d’acier, un esprit combatif à toute épreuve et une volonté rarement égalée. Si vous cherchez une battante, voici la championne. On y voit même clairement une métaphore de la vie des femmes. Elles doivent se battre en chaque instant, la vie ne leur fait aucun cadeau, les alliés qu’elles rencontrent ne sont jamais les libérateurs qu’elles attendent, même à leurs côtés, elles doivent continuer à lutter et un ennemi vaincu ne l’est jamais définitivement. En sommes, malgré l’époque dans laquelle prend place le film, il peut rendre compte assez fidèlement d’une mentalité générale de la société actuelle avec un seul défaut potentiellement plus destructeur que nombreuses de ses qualités. En réalité, la thématique que raconte Brimstone est bien plus profonde que cela. Par son époque justement, le film montre à quel point l’Histoire a influencé toutes les formes de combat spirituel d’aujourd’hui. Mêlant religion, justice et éthique morale, en faisant du personnage principal une femme, les enjeux de ces combats que l’être humain doit surmonter toute sa vie se révèlent effroyablement plus durs, plus vrais et plus destructeurs. L’aspect théologique de ce film, bien qu’omniprésent, peut ne pas être poussé outre mesure. Le sort de la jeune femme étant déjà d’une tragédie à couper le souffle, sa simple histoire à elle seule est suffisante pour comprendre que la vie est une fatalité mettant tout en œuvre pour vous faire mettre genou à terre.

On trouve parfois les films les plus impressionnants dans les projets les moins attendus ou mis en avant. Brimstone est de ces films absolument déments et imprévisibles, il ne manque pas de surprendre par sa fatalité parfaitement destructrice. On y voit enfin un Guy Pearce maléfique et immonde, un rôle qu’on ne lui attendait plus depuis des années. Ainsi que notre cher et tendre Jon Snow, qui ne change pas trop de registre, mais se débrouille très bien et démontre qu’on continuera de le voir à l’avenir. Jusqu’à maintenant, sa présence dans un film n’était pas de très bon augure sur sa qualité (Silent Hill, Pompéi, Le Septième Fils), cette mauvaise passe commençait à se dissiper, elle s’avère désormais révolue. Brimstone se montre donc implacable et sévère, un film d’une grandeur pour une grande histoire et d’une sévérité pour des personnages sans concession.

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