How to have sex : Le sexe à tout prix

A l’occasion de la 8e édition du Festival du Film de Fesses, du 28 juin au 2 juillet 2023, le premier long métrage de Molly Manning Walker a été présenté en avant-première après avoir remporté le prix Un certain regard à Cannes. On vous voit venir, ni le festival, ni le film ne sont classés X malgré leur nom. Le FFF tend à promouvoir des œuvres actuelles et passées traitant de l’érotisme, de la question de la sexualité et de son lien avec l’identité. Pas (ou presque) de porno au programme. Avec son premier long métrage, Molly Manning Walker aborde la question du consentement et ses multiples facettes, avec une acuité rare pour un tel sujet.

Tara (Mia McKenna-Bruce), Fi (Eilidh Loan) et Skye (Lara Peake), trois adolescentes britanniques, décident de fêter la fin du lycée et le passage du bac sur une île grecque paradisiaque. Au programme : alcool, excès et surtout première fois. Les trois jeunes filles mettront un point d’honneur à perdre leur virginité durant ce voyage, quoi qu’il en coûte. Et c’est bien ce « quoi qu’il en coûte » qui va façonner l’atmosphère progressivement oppressante du film. La réalisatrice va particulièrement se concentrer sur le personnage de Tara et sa recherche presque obsessionnelle de sexe. Avec une esthétique naturaliste, presque documentaire, la caméra s’immisce dans cette bacchanale moderne, qui n’a rien à envier aux très célèbres spring breaks américains. D’ailleurs, la réalisatrice explique avoir voulu réaliser un film réponse au Spring Breakers de Harmony Korine, en mettant en scène des personnages de filles plus proches de la réalité que les bad girls du film de 2012. Molly Manning Walker insiste sur le fait qu’elle souhaitait réaliser un film abordant le thème de la culture du viol et de sa présence nocive dans de nombreux aspects des rapports entre les jeunes. Nous serons choqués de voir jusqu’où les « jeux » festifs peuvent aller et leur acceptation par une bande d’adolescents débordant d’alcool et d’énergie (certains sont d’ailleurs inspirés d’événements vécus par la réalisatrice et ses amis dans leur jeunesse).

Là où le film se distingue c’est dans son traitement de la question du consentement. Mia McKenna-Bruce délivre une performance bouleversante de jeune fille victime de la pression sociale qui semble lui dicter son comportement et ce qu’elle est censée accepter sans broncher. Sans jamais déraper dans son propos, ni faire un contre-sens sur la gravité des actes subis par son personnage principal, la réalisatrice présente une situation dans laquelle la violence est insidieuse et se terre dans une sorte de zone grise. Comme un grand nombre de viols recensés, il n’y a pas de « non » pas plus qu’il n’y a de « oui » et c’est bien là toute l’intelligence du propos. Molly Manning Walker a réussi à présenter tout un dérapage, depuis les premières minutes du film jusqu’aux dernières. Il s’agit d’un drame, celui de l’abus sexuel qui tait son nom et naît d’une situation qui brouille sa vraie nature. Aucun spectateur n’est dupe, il s’agit bien d’un film sur le viol. Néanmoins, c’est le personnage de Tara qui doute elle-même sur ce qu’elle vit et ce qu’elle a accepté de subir. L’absence de refus de sa part est-il une invitation ? C’est bien cette question qui va la tourmenter jusqu’à réaliser bien trop tard que l’absence de consentement va bien au-delà d’un simple « non ». Difficile de parler du nœud de ce film sans trop en divulguer, mais retenez bien qu’il s’agit là d’un tour de force en matière de vérité sur la réalité d’une telle situation. Un viol reste un viol, même lorsque « non » n’a pas été dit.

Ce n’est pas parce que l’intrigue du film parle du désir de perdre sa virginité que la réalisatrice tombe dans le piège de l’accusation ou du jugement moral. A aucun moment le propos sous-entend que Tara est responsable de ses actes et qu’elle est donc responsable du drame qu’elle subit justement parce qu’elle souhaitait désespérément avoir un rapport sexuel. En clair, pas de « elle l’a bien cherché », loin de là, mais bien une remise en question de tous les facteurs extérieurs qui ont brouillé ses repères et l’ont poussé non pas à accepter, mais à subir. Ce film fait aussi un état des lieux du comportement du côté des jeunes garçons. Deux personnages masculins vont croiser la route de Tara et les apparences vont être trompeuses. Sans s’en rendre compte, ils sont aussi les rouages de cette culture du viol, victimes de leur incapacité à communiquer et à faire preuve de sensibilité. Le sexe n’est plus qu’une performance, une sorte d’objectif obligatoire des vacances à remplir entre deux beuveries.

Pour l’équipe du film autant que pour ceux qui écriront à son sujet ou qui en parleront, c’est un exercice très ardu de ne pas l’interpréter de la mauvaise manière ou de lui faire dire ce qu’il n’a pas dit. How to have sex est aussi clair que son titre et ne fait aucune concession sur la violence morale, psychologique et physique d’un viol, même si l’acte en question revêt une apparence trompeuse d’un rapport a priori banal. Le film a justement mis en évidence cette horrible réalité : la violence sexuelle peut se dissimuler derrière la banalité. La faute revient à cette fameuse culture du viol présentée par le biais des excès et des « jeux » sexuels toujours plus extrêmes, arrosés de litres d’alcools forts. Sans jamais être moralisatrice, Molly Manning Walker fait le compte rendu d’une situation qui n’a que trop duré et qui malgré la libération de la parole continue de gangréner une partie de la jeunesse.

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