
Depuis la découverte de La femme de mon frère en 2019, nous suivons avec attention la carrière de réalisatrice de Monia Chokri dont l’univers immédiatement reconnaissable, aussi bien sur le plan stylistique (une mise en scène parfois pop aux couleurs chaleureuses, au grain de pellicule soigné et aux cuts abrupts) que thématique (on y parle et philosophe beaucoup, comme chez Woody Allen) s’avère plein de charme et tout à fait unique en son genre. Il y a en effet chez la cinéaste une rythmique de la comédie, se créant aussi bien par son montage dynamique (quitte à nous déstabiliser) que par la musicalité de ses dialogues qui captent derrière l’humour une forme de mélancolie.

Avec Simple comme Sylvain, Monia Chokri semble plus sûre d’elle et calme le jeu sur ses effets de montage pour mieux se rendre au service de son histoire, a priori tout à fait classique. On suit en effet Sophia, prof de philosophie issue d’un milieu intellectuel qui, après dix ans de couple avec Xavier, finit par le tromper quand elle tombe complètement sous le charme de Sylvain, charpentier devant rénover son chalet de campagne. Le désir est immédiat et les deux que tout oppose entament une relation passionnelle qu’ils décident de faire passer à l’étape supérieure. Mais peuvent-ils faire durer leur couple alors qu’ils sont si différents ?

Sans jamais se départir de sa verve comique (comme toujours avec la cinéaste, la première heure est parfaitement hilarante), Simple comme Sylvain confronte avec intelligence l’amour et le désir à la différence de classes sociales et en tire un constat plutôt amer, montrant que le couple en soi, aussi fou amoureux soit-il, peut difficilement s’épanouir sans s’ouvrir à son entourage qui va finalement définir beaucoup de choses en fonction du milieu duquel on vient. Sans verser dans les clichés ou le prêt-à-penser, le film pose les bonnes questions et présente ses personnages et ses situations avec une justesse constante, ne jugeant jamais ses personnages, ne choisissant pas son camp mais exposant sa thématique avec autant de rigueur que de passion, Monia Chokri évitant le film à thèse en injectant son humour et son sens de la mise en scène au récit pour offrir une véritable émotion.

C’est donc en vibrant en même temps que Sophia et Sylvain (excellents Magalie Lépine Blondeau et Pierre-Yves Cardinal) que l’on découvre le film, espérant que leur histoire fonctionne tant elle est passionnée (les scènes entre eux sont d’une incroyable sensualité) et passionnante. Ainsi, l’émotion est plus grande quand Monia Chokri délaisse la comédie le temps de quelques séquences après la première partie du film pour offrir de vrais moments de détresse émotionnelle, qu’elle sait aborder avec gravité sans pour autant se départir d’une légèreté qui fait passer habilement la moindre rupture de ton. Cette comédie se fait alors universelle et bouleverse en parvenant l’exploit de ne pas en faire trop et de savoir quand transformer sa rhétorique en purs moments de cinéma. Une belle réussite qui a pour elle sa modestie et son acuité, en faisant le meilleur film de sa cinéaste et le signe d’une certaine maturité qui ne peut que farouchement nous charmer.
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