Linda veut du poulet ! : Aux poivrons, pas aux prunes

Le cinéma d’animation français est un vivier de talents, ayant créé, au fil de ces dernières années de véritables bijoux comme Le sommet des dieux, Avril et le monde truqué, J’ai perdu mon corps, Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary ou encore La jeune fille sans mains réalisé par Sébastien Laudenbach, ici co-scénariste et co-réalisateur de Linda veut du poulet ! avec Chiara Malta. Soit une nouvelle merveille de l’animation française, à la forme aussi inventive et réjouissante que le fond, récit burlesque empreint d’une véritable gravité.

Le postulat du film est simple : injustement punie par sa mère Paulette qui l’accusait d’avoir volé sa bague, Linda lui réclame un poulet aux poivrons afin qu’elle se fasse pardonner. La recette était la spécialité du père de Linda, décédé quand elle n’avait que un an et Paulette ne sait pas cuisiner mais elle a promis… Alors, en ce jour de grève générale, il s’agit pour la mère et la fille de trouver un poulet (quitte à le voler) et surtout d’arriver à le tuer tout en échappant à la police, lancée à leurs trousses !

Evidemment, le poulet n’est ici qu’un MacGuffin, générateur de purs moments de comédie (jusqu’à cette intervention de la police dans la cité où habite Linda, se transformant en affrontement dans la brume et réglée à coups de pastèques) incitant joyeusement au désordre, une volonté assumée par les cinéastes envisageant leur film comme un hymne à la liberté et à la révolte. Mais il est aussi un catalyseur, celui par qui Paulette et Linda vont se rapprocher et apprendre à faire leur deuil, chacune à sa manière. En effet, si Paulette doit apprendre à vivre sans un mari qu’elle a bien connu, il s’agit pour Linda de faire sans un père dont elle n’a aucun souvenir (‘’si on ne s’en souvient pas, est-ce que ça a existé ?’’) si ce n’est quelques impressions lointaines. La quête du poulet est celle de deux êtres qui vont combler le vide laissé entre eux, ménageant ainsi dans le récit un bel équilibre entre le rire et les larmes (le tout accompagné de quelques jolies chansons originales).

Si le scénario est savoureux et particulièrement riche en personnages (dont un policier maladroit qui se rêverait plutôt en prestidigitateur ou une sœur que le yoga qu’elle enseigne ne semble pas calmer), Linda veut du poulet ! doit une grande partie de sa réussite à son originalité visuelle. En effet, alors que les décors sont assez stylisés, plus évocateurs que descriptifs, les personnages sont identifiés par une couleur qui leur est propre et qui ne les quitte jamais de tout le film, devenant ainsi de simples icônes colorées, similaires à des gommettes lorsqu’ils sont filmés de loin. Ce code couleur d’abord déroutant séduit très rapidement, le film épousant alors dans sa forme bariolée ses intentions invitant les adultes que nous sommes à renouer avec l’enfant qui sommeille en nous, avec ses rêves et sa liberté folle. Linda veut du poulet ! s’avère donc bien plus complexe que son titre le laisse entendre et offre un véritable moment de poésie que petits et grands pourront apprécier avec autant de bonheur !

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*