
Le monstre qui vient de l’espace, ou The incredible melting man pour son titre original, est un film américain de 1977 écrit et réalisé par Williams Sachs (There is no 13, Spooky House), désormais disponible en combo Blu-ray + DVD chez Sidonis Calysta. L’histoire tient en peu de choses : Steve West est un astronaute dont le corps a commencé à fondre après avoir été exposé à des radiations lors d’une mission vers Saturne. Cette mutation a aussi déclenché chez lui un besoin de se nourrir de chair humaine. Le Dr Ted Nelson, l’un des seuls à connaitre son existence depuis le retour de la mission, doit partir à sa recherche parce que le monstre s’est échappé ! Muni de son compteur Geiger pour suivre sa trace sanglante et radioactive, il va tout faire pour le ramener à l’hôpital et l’empêcher de tuer davantage. Une chasse à l’homme prétexte à des séquences gores et des moments de frisson.
Lors de l’écriture du scénario Williams Sachs s’est inspiré de La nuit des mort-vivants de Georges Romero, à l’image de la créature qui possède toutes les caractéristiques du zombie, mais aussi au niveau de la construction du récit et lors des séquences d’apparition de la créature fondante. Sachs puise aussi du côté de Frankenstein pour évoquer le destin tragique de cette personne devenue monstre mais dans laquelle subsiste un reste d’humanité. Les références au cinéma de genre sont nombreuses et le film emprunte aussi les ressorts de l’humour entre deux séquences de démembrement.
Le résultat est assez singulier mais pas dénué d’intérêt. La construction du récit, bien que linéaire et dépourvue d’enjeux secondaires, nous emmène à la poursuite de la créature dégoulinante. Les effets spéciaux de Rick Baker sont soignés, gores à souhait et son travail sur le monstre en décomposition est remarquable. L’humour fait souvent mouche et le jeu d’acteur de Burr DeBenning et Ann Sweeny, même s’il n’est pas toujours inspiré, suffit à entretenir la tension jusqu’au bout. Pourtant, quelque chose de gênant nous accompagne tout au long de l’histoire, on peut sentir comme un décalage entre l’intention et son exécution, l’impression que le film se cherche lui-même.

L’histoire de ce film est compliquée, en tout cas sa post-production. A l’origine, Williams Sachs voulait réaliser une parodie de film d’horreur mais les producteurs en ont décidé autrement une fois le tournage terminé. Samuel Gelfman et Max Rosenberg ont tourné de nouvelles séquences et ont modifié la structure du film dans un second montage, sans avertir Sachs. L’humour a été escamoté et remplacé par plus de séquences d’horreur afin de pouvoir exploiter le film comme un pur produit d’horreur. L’objectif à demi avoué des producteurs était de faire ressembler le film de Williams Sachs à First man into space, un succès de science-fiction des années cinquante du réalisateur britannique Robert Day. Voilà le caillou dans la chaussure : le pouvoir que les producteurs peuvent avoir sur les films.
Victime de coups de ciseaux arbitraires, le film de Williams Sachs a perdu une partie de son identité et l’on comprend mieux ses errances narratives et techniques. Peut-être que la première version n’aurait pas été très différente sans ces modifications mais elle aurait été authentique. Sachs a avoué s’être sentit dépossédé de son film, il est facile de le comprendre. Mais il n’est pas le seul à avoir subi des coupes dans son travail, Rick Baker le responsable des effets spéciaux en a été victime lui-aussi. Quatre étapes de décompositions étaient prévues pour le monstre mais deux seulement ont été utilisées dans le film et l’effet de décomposition tombe à plat sur la durée, le monstre paraissant identique d’un bout à l’autre. C’est vraiment du gâchis au regard de tout le travail qui a été effectué.
Le monstre qui vient de l’espace n’est pas un film parfait, il n’a pas marqué sa décennie mais s’en passer serait dommage. Malgré les coupes, les modifications et le second montage des producteurs, les intentions d’origines de Williams Sachs subsistent, elles sont disséminées un peu partout et en les rassemblant, on peut imaginer ce qu’aurait été son film sans ces interventions néfastes : une comédie horrifique simpliste et réjouissante. Mais à défaut d’avoir la version originale, on se satisfait de ce qui existe et on passe un bon moment en compagnie de cette créature hydride au destin tragique.
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