
Cinéaste éclectique, Cédric Kahn semble passer d’un film à l’autre sans jamais donner l’impression de se fatiguer, choisissant ses sujets sans que l’on ne parvienne vraiment à identifier ce qui les lie entre eux. Notre approche de son Cinéma est donc tout aussi variée et généralement sans a priori. Avec Le Procès Goldman, présenté cette année à Cannes en ouverture de la Quinzaine des Cinéastes, Kahn s’attelle donc au film de procès et s’y tient avec une certaine humilité, ne prétendant pas réinventer le genre mais davantage en livrer une solide itération.

Alors certes, les familiers de l’affaire ne seront pas surpris et l’on pourrait reprocher au cinéaste de ne jamais se départir des faits mais sa mise en scène est tellement précise et tellement attachée au tribunal (seule la séquence inaugurale se déroule ailleurs) qu’elle en devient fascinante. Ainsi, le titre du film ne ment pas : il s’agit bien de retranscrire le deuxième procès de Pierre Goldman (demi-frère de Jean-Jacques), militant et bandit d’extrême-gauche accusé d’avoir commis plusieurs meurtres lors du braquage d’une pharmacie. S’il a volontiers reconnu plusieurs braquages, Goldman a toujours clamé son innocence concernant ces meurtres et c’est à ce procès auquel nous assistons, l’avocat Georges Kiejman assurant sa défense.
D’une efficacité imparable (à défaut d’être originale), le film s’attache donc à décrire les moindres détails du procès (avec un sacré travail de recherche effectué en amont, les minutes du procès n’étant pas disponibles), soulignant autant la personnalité complexe de Goldman (incarné par le trop rare et toujours impeccable Arieh Worthalter) que les incohérences de l’accusation et des témoignages peu fiables des témoins. Chose déjà démontrée dans bien des films du genre (dont le fabuleux Autopsie d’un meurtre de Preminger), Kahn souligne combien un procès n’est pas tant une affaire de justice que de mise en scène, situation au coeur de laquelle un interrogatoire ou une plaidoirie effectués de manière brillante peuvent tout changer. Arthur Harari se montre d’ailleurs impressionnant en Kiejman, allant jusqu’à reproduire la gestuelle du défunt avocat avec un sacré charisme.

La limite du film se situe dans sa nature et dans le sujet qu’il s’est fixé mais il permet de passionner et de se pencher sur une affaire racontant la France d’une certaine époque, une France qui n’a visiblement guère changé depuis, Kahn entretenant ici peu de sympathie pour les figures policières, présentées au mieux comme incompétentes, au pire comme racistes. Reste que Le Procès Goldman est un film d’une efficacité redoutable qui ravira aussi bien les amateurs du genre (plutôt américain par ailleurs même si nous avons en France le chef-d’œuvre qu’est La Vérité et maintenant l’excellent Anatomie d’une chute) que ceux ayant suivi l’affaire de près ou de loin pour un regard nouveau doublé d’une précision implacable.
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