
Existe t-il actuellement un réalisateur francophone plus insaisissable, plus hétéroclite que l’étrange et sympathique Guillaume Nicloux ? Romancier prolifique, chantre de l’écriture automatique, auteur de plus d’une quinzaine de longs métrages sur une trentaine d’années et même acteur à ses heures perdues (le vendeur de supermarché mastiquant nonchalamment de la gomme face à un Philippe Nahon superbement démuni dans l’excellent Seul Contre Tous de Gaspar Noé, c’est lui !) Guillaume Nicloux est de ces créateurs témoignant d’une folie en demi-teinte, semblant toujours avoir un ou plusieurs projets en cours de préparation et/ou d’exécution. Après nous avoir déroutés plus que de raison avec La Tour (film de genre très sombre et très prometteur sur le papier mais hélas raté à bien des égards dans son développement filmique, mettant notre suspension d’incrédulité à rude épreuve, ndlr) le cinéaste nous revient cette année avec un nouveau long métrage aux antipodes du registre très noir de son prédécesseur : La Petite, drame familial qui fut découvert par notre rédaction lors de la 16ème édition du Festival du Film Francophone du mois dernier et qui sera visible dès ce mercredi 20 septembre dans nos cavernes souterraines et cinéphiles…
Adaptation du roman Le Berceau écrit par Fanny Chesnel (également co-scénariste dudit métrage avec Guillaume Nicloux, ndlr) La Petite raconte le parcours d’un combattant et celui d’une combattante, la rencontre de deux destinées à priori trop éloignées l’une de l’autre pour qu’une telle confrontation puisse se manifester. D’une part nous suivrons Joseph, un sexagénaire français accusant le coup du décès de son fils et de son compagnon survenu lors d’un accident d’avion ; d’autre part nous finirons par croiser la route de la rebelle et impétueuse Rita, une jeune femme flamande que Joseph tentera par tous les moyens de retrouver pour une raison rapidement connue par nous, simples spectateurs d’un film aux balises franchement prononcées : mère porteuse de l’enfant désiré par le fils de Joseph et son partenaire de vie Rita se verra fortement sollicitée par le potentiel grand-père vieillissant et désireux de s’occuper de l’enfant encore en gestation au moment où le récit de La Petite se déroule sous nos yeux…

En bon film d’ouverture angoumoisin qui se respecte (Une belle course de Christian Carion – présenté en avant-première lors de la 15ème édition du FFA – l’avait d’ores et déjà prouvé l’année dernière, ndlr) La Petite est de ces films aux sujets progressistes voire fédérateurs entièrement sympathiques à suivre mais cruellement inoffensifs dans le même temps ; jamais rien ne dépasse dans ce film dramatique cochant toutes les cases du film à thèse inscrit dans l’air du temps : la question du mariage homosexuel y est – de fait – frontalement présentée, de la même façon que celle concernant la Gestation Pour Autrui, pratique médicale encore actuellement très controversée… Et malgré son sujet social et sociétal pour le moins délicat et matière à réflexions Guillaume Nicloux ne peut s’empêcher d’adopter un registre très, trop léger voire passablement gentillet, livrant avec La Petite un film correct et plaisant à suivre mais décidément gâché par un surplus de bons sentiments proches de la mièvrerie carabinée.
Guillaume Nicloux semble avoir été sensible au problème d’une homoparentalité censée pouvoir disposer de ses droits malgré une doxa pétrie de préjugés et d’idées souvent trop arrêtés devant une différence, quelle qu’elle soit ; il aborde la GPA avec une certaine propension à la nuance critique entièrement salutaire au vu d’un tel sujet, par le biais de la figure de Rita représentant tout un pan de la société à fortiori méconnu de l’opinion publique : les mères porteuses, trop régulièrement oubliée au profit des couples homosexuels… A l’aune des questionnements soulevées par une potentielle légifération de la Gestation Pour Autrui en terre hexagonale le réalisateur a cru bon souhaiter jeter son dévolu sur le célèbre et irremplaçable Fabrice Luchini afin de lui attribuer un rôle essentiellement dramatique, loin de ses frasques et autres excentricités habituelles : le résultat s’avère peu ou prou médiocre, tant l’acteur a bien du mal à ne pas luchiniser dès lors que cela lui chante (regard ahuri, moue sur-expressive, verve mêlée de dérision et de traits d’esprit en veux-tu, en voilà, et cetera…). Néanmoins La Petite est largement porté par la prestation vériste et pas loin d’être sensationnelle de la jeune Mara Taquin (jeune comédienne découverte dans le superbe Hors Normes de Toledano et Nakache, et plus récemment dans La Bête dans la Jungle de Patric Chiha, ndlr), trouvant en Rita une icône à sa mesure.
On aurait adoré aimer davantage ce film, tant ses enjeux solides et conséquents auraient nécessité un registre moins édulcoré et surtout moins tiède in fine. Un tel script entre – par exemple – les mains de cinéastes tels que les frères Dardenne aurait sans doutes permis d’accoucher d’un grand drame social jusqu’au-boutiste et passionnant, loin des simagrées d’un Fabrice Luchini laborieusement effacées par un réalisateur décidément aussi surprenant qu’inégal. Correct, mais honnêtement Guillaume Nicloux était capable de faire bien mieux et plus radical.
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