
Si cela fait plusieurs années que Jonathan Cohen fait reposer sa carrière sur un seul registre et un type de rôle (l’abruti total, toujours dépassé, souvent ringard mais gentiment attachant) et qu’on aimerait le voir s’aventurer sur d’autres terrains, force est de reconnaître qu’il est un génie dans son registre, qu’il nous fait beaucoup rire et que chacune de ses apparitions dans des films ou des séries nous arrache régulièrement de grosses barres de rire. Son numéro est bien rodé mais toujours joyeusement débile et délicieusement absurde, n’occultant jamais ses partenaires de jeu. Difficile donc d’en vouloir à Cohen de continuer à faire ce qu’il fait si bien. Dès la mise en ligne le mois dernier du clip de la chanson Est-ce que tu regrettes ? de François Sentinelle (dont l’esthétique parfaitement ringarde est soignée de bout en bout), nous nous doutions que Sentinelle allait nous éclater, ne serait-ce que par son pitch, mettant en scène un flic-chanteur.

Après avoir incarné un lieutenant-colonel de gendarmerie stupide dans Terrible Jungle des réalisateurs Hugo Benamozig et David Caviglioli, Jonathan Cohen incarne cette fois un flic chanteur de La Réunion dans Sentinelle. Flic incompétent, plus occupé par sa carrière musicale ayant trouvé son apogée il y a plusieurs années avec une chanson sobrement intitulée Le Kiki que par son travail d’investigation où il multiplie les gaffes et les bavures, François Sentinelle est totalement ringard, se voilant la face sur ses capacités. Alors que le mari d’une femme politique influente se fait kidnapper par une organisation décidée à faire bouger les choses sur l’île, Sentinelle va devoir enquêter, flanqué d’un adjoint fraîchement arrivé et carrément exaspéré par la bêtise de son supérieur.
Lorgnant du côté du buddy-movie et de la comédie d’action, Sentinelle a le mérite de soigner un tant soit peu son intrigue policière et sa mise en scène, une chose qui fait défaut à de nombreuses comédies françaises. Ici, le rire est au premier plan mais il s’insère avec beaucoup de malice dans un récit épinglant au passage les combines de la politique. C’est certes un pan mineur du film mais cela lui donne l’ossature suffisante pour ensuite laisser libre cours au talent comique à l’énergie inépuisable d’un Jonathan Cohen en grande forme, s’impliquant avec force dans un rôle qui lui va à merveille. En face de lui, l’omniprésent Raphaël Quenard (7 films cette année !) apporte un contrepoint savoureux, seul policier sérieux du coin, loin d’être sensible aux délires de son chanteur de patron quand Emmanuelle Bercot campe une politique carrément douteuse.

Un sens du casting qui ajoute du piment à un film dominé par Cohen, jusqu’à frôler l’overdose et surtout l’essoufflement. Mais c’est l’avantage des comédies rythmées : si elles peuvent épuiser, les auteurs, en multipliant les vannes et les gags, augmentent leur chance de faire mouche et surtout déploient ainsi beaucoup d’inventivité confinant à la générosité. On pardonne ainsi plus facilement à une comédie qui tente des choses en permanence plutôt qu’à une œuvre tiède n’allant pas au bout de ses idées. Et on ne pourra pas reprocher à Sentinelle d’avoir froid aux yeux, enchaînant les gags et les répliques à une belle vitesse, nous gratifiant au passage de quelques scènes déjà appelées à devenir cultes, le tout portées par un acteur au sommet qui ne se refuse rien, ni d’assumer la stupidité de son personnage en l’interprétant au premier degré, ni de faire durer en longueurs certains gags pour mieux étirer leur potentiel, ni de cueillir l’absurdité là où il trouve. Un tel plaisir, ce serait dommage de se le refuser.
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