
Avez-eu un papa aussi cool que le mien ? C’est la question qui revient régulièrement au détour de diverses conversations autour du cinéma de genre. Si l’éditeur Hollywood Vidéo vous parle et que vous vous souvenez de ces grosses boîtes VHS en plastique non rigide alors, oui, vous avez eu des parents super cools. Quelle mine d’or nous avons eu entre nos mains. Toutes ces séries B, très souvent, fauchées qui atterrissaient miraculeusement dans nos magnétoscopes afin de nous en mettre plein les mirettes. Quelle époque bénie que l’insouciance de l’enfance où nos parents n’étaient pas très regardants sur les programmes que nous choisissions au sein de leur vidéothèque. Parmi cette immense collection, il y a ce film qui détonne le plus fort dans nos souvenirs, à commencer par sa jaquette que nous considérons comme l’une des plus belles que nous n’ayons jamais vu où l’on y voit une main surgir d’un gâteau d’anniversaire, le bout des doigts ensanglantés par des flammes qui font office de bougies. Le ton que donne cette jaquette laisse promettre un film particulièrement vicieux et nous gardions le souvenir d’un film qui flirte dangereusement avec le malsain et les limites de la bienséance. Que vaut donc Les Tueurs de l’Eclipse désormais ? Le film a-t-il survécu à la douloureuse épreuve du temps ? Le film vient de ressortir dans une copie très propre et est distribué par Sidonis Calysta.

Pendant une éclipse totale du soleil, trois femmes accouchent simultanément dans une petite ville de Californie. A l’occasion de leur dixième anniversaire commun, Debbie, Steven et Curtis, qui ont des visages d’enfants tout à fait normaux, voire angéliques, commencent une série de meurtres commis de sang froid et qui plongent la ville dans la panique.
Seul fait d’arme vraiment marquant dans la carrière du réalisateur, Ed Hunt, en France, Les Tueurs de l’Eclipse n’a absolument pas perdu de sa superbe. Il coche toutes les cases qu’un slasher se devait de fournir à l’époque. Nous sommes un an après la sortie de Vendredi 13, et l’on y voit désormais plus clair quant au cahier des charges à remplir afin de s’attirer les bonnes grâces du public ciblé : il faut de la nudité à foison (et gratuite), des meurtres inventifs et des tueurs charismatiques. Question nudité, les amateurs de poitrines en auront pour leur argent. Sur l’inventivité des meurtres, le film se montre quelque peu paresseux en étant redondant dans les exécutions. Des aveux du réalisateur, il aurait coupé énormément de scènes gores afin de ne pas froisser les producteurs… mais comme il s’agit de la seule copie connue, difficile de croire que ces scènes aient réellement été tournées. En revanche, difficile de ne pas succomber au charme de ces tueurs en (presque) couches-culottes. D’autant que le trio se complète à merveille dans leur cruauté. Il y a d’abord Debbie, la meneuse, celle à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession. Avec sa chevelure blonde soigneusement brossée et ses yeux angéliques, elle instaure un climat oppressant à chacune de ses apparitions. Son pendant masculin, Steven, a plutôt l’étoffe d’un suiveur. Il ne prend aucune initiative, il exécute les ordres bêtement et simplement. Et puis il y a Curtis, le plus violent et le plus intelligent de la bande, celui qui fait définitivement pencher la balance entre le bien et le mal vers un sadisme incommensurable. L’écriture de ces personnages est diablement orchestrée, d’autant que le film entre directement dans le vif du sujet et ne perd de temps à expliquer pourquoi ils tuent.

Sur la question du rythme, Les Tueurs de l’Eclipse ne possède presque pas de temps mort. Les enjeux sont relancés perpétuellement et l’on se délecte de connaître la prochaine victime de ces enfants maléfiques. La justesse d’écriture atteindra, toutefois, ses limites lorsque le film essaiera de donner un mobile au comportement des enfants. Une vague explication sur le fait que leur personnalité est incomplète du fait de l’éclipse survenue à leur naissance. Honnêtement, le discours devient pompeux à ce moment précis et enlève toute satisfaction quant aux agissements des tueurs. Le simple fait de voir de jeunes têtes blondes se délecter de la souffrance d’autrui était nettement plus malsain et pervers que de chercher à tout prix à leur trouver un alibi. D’autant que la fin ouverte laisse clairement supposer qu’ils ne changeront pas et que leur soif de sang n’en finira jamais d’être présente. Le film perd le côté « satisfaisant » de sa gratuité et nous empêche de nous questionner sur la moralité de leurs actes. Doit-on encore voir des enfants ou voyons-nous des adultes piégés dans le corps d’enfants ? Garder cette dualité qui questionne notre bienséance et notre éducation aurait été plus percutant que de vouloir offrir un semblant d’explication tremblotante. Pourtant, difficile d’en vouloir au film lorsqu’on le replace dans le contexte de l’époque de sa sortie. Nous vous le disions ci-dessus, mais nous sommes une petite année après la sortie de Vendredi 13. L’influence de ce film sur Les Tueurs de l’Eclipse est totale. Entre l’un des gamins qui se met un sac à patates sur la tête afin de poursuivre une victime ou alors les coups de cordes de violon saccadés lorsqu’un meurtre est perpétré (à trois notes du plagiat), difficile de nier la grosse inspiration suscitée par le film de Sean S. Cunningham et sa suite sortie la même année que notre film du jour. Les Tueurs de l’Eclipse en restera au stade de simple copie, sorte d’ersatz des aventures de la famille Voorhees où nos trois tueurs pourraient être les cousins éloignés de notre cher Jason, mais le jeu impeccable des enfants et sa radicalité dans le fait d’assumer que ce sont des tueurs déterminés en font un objet particulièrement savoureux.

Les Tueurs de l’Eclipse se (re)découvre avec un plaisir toujours aussi intact. S’il fascinera les bisseux les plus aguerris, il se pourrait qu’il donne envie aux néophytes de s’intéresser à la grande époque du slasher. Loin d’être le plus grand des slashers, il demeure une série B plus que correcte et tient presque l’ensemble de ses promesses. Un achat que nous préconisons fortement à retrouver dans la Collection Cauchemar chez Sidonis.
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