
Une histoire d’amour n’est pas forcément une relation amoureuse, passionnelle, à la Roméo et Juliette de Shakespeare, ou encore celui de Baz Luhrmann. L’amour qui peut perdurer est souvent amical, filial. Une histoire d’amour d’Alexis Michalik sorti en 2022 dépeint une histoire d’amour, celle à l’origine de tant d’autres. C’est celle de Katia et Justine. L’une est persuadée d’être malheureuse en amour, tandis que l’autre, hétérosexuelle en couple, balaye d’un revers de main ce qu’elle connait pour sa nouvelle promise. Le jeune couple décide malgré les conventions sociétales de tenter la PMA, à celle qui tombera enceinte. C’est le cas de Katia, qui voit Justine la quitter, à la fin de sa grossesse. Douze ans plus tard, Katia est atteinte d’un cancer en phase terminale. Quelqu’un doit s’occuper de sa fille. William, frère de Katia et surtout écrivain désœuvré, est son seul recours.
Une Histoire d’amour nous offre de magnifiques premières scènes ; celle de la rencontre, du premier flirt et de la naissance d’un amour dans l’appartement parisien de Katia. Bien que son personnage soit légèrement stéréotypé lesbienne rentre-dedans (les dialogues semblaient bien trop osés, mais on passe au-dessus, car le manque de tact existe bel et bien) l’alchimie entre les deux actrices offre une histoire d’amour qu’on observe avec un petit sourire béat, mais seulement durant une dizaine de minutes. Le film d’Alexis Michalik pâtît tout simplement d’une qualité de dialogues assez pauvre. Tout simplement, on n’y croit pas. Ça sonne faux, ça sonne roman à l’eau de rose très peu réaliste, et c’est dommage, car si le pitch paraissait osé, on espérait tout de même un certain réalisme pour une telle situation.

On pourrait excuser ces dialogues particuliers par le fait que le réalisateur ait choisi d’adapter sa propre pièce de théâtre, du même nom. Il faut saluer l’ambition de Michalik, et avouer que certains points de l’œuvre dramatique peuvent être difficiles à transposer à l’écran. Étonnamment, la branche narrative de William semble plus convaincante que la quasi-totalité des dialogues, bien que son histoire revêt un caractère fantastique, voire absurde qui à première vue nous questionne sur ce que le réalisateur veut vraiment nous montrer. Contre toute attente, le vécu de William ajoute une dose de poétique qui manquait bien trop à l’œuvre, très rapidement plombée par une séparation douloureuse, un cancer, une mort proche, un alcoolisme, la totale pour sombrer lentement dans un état de tristesse peu enviable. William avoue donc à sa nièce voir sa femme, morte dans un accident de voiture. Ses hallucinations sont dues à une poche de sang sur son front engendrée par l’accident en question, que William peut décider de se faire enlever par le biais d’une opération. Veut-il retrouver une bonne santé quitte à ne plus voir sa chère défunte ou préfère-t-il garder la source de son malheur, et de son bonheur ? Les propos de l’écrivain désabusé sont mis en image par l’hallucination de sa femme, que l’on voit danser tant dans les allées d’une grande surface que sur scène, comme si nous partagions la vue de l’écrivain. C’était un choix très franchement risqué. Le dilemme proposé à l’écrivain est donc une parenthèse de petite philosophie sur le bonheur et sur la vie, qui fonctionne face à un dramatique parfois presque comique.
Quelques années d’études supérieures de cinéma ont suffi à votre auteure pour pleinement intégrer que le visionnage d’une même œuvre par différentes personnes ne donne pas la même réception, ni le même cheminement réflexif. Pourtant, nous osons croire que Une histoire d’amour vous a vous aussi fait rire, et d’ailleurs pas toujours au bon moment. Ce n’était certainement pas l’objectif du réalisateur qui aborde tous types de thèmes dramatiques. Les dialogues teintés d’ironie de Katia et William sonnent comme un malaise imposé au spectateur (soit car mal écrits ou mal interprétés, choisissez votre camp), tout comme l’ironie et le sarcasme de l’écrivain alcoolique, qui auraient vraiment pu fonctionner si le réalisateur était resté derrière la caméra. Au risque de faire une interprétation méta complètement faussée, on arrive presque à se demander si le personnage de William, écrivain désenchanté, pro de la bouteille et adepte de la page blanche, n’est autre que le double du réalisateur lui-même, tant l’œuvre parait elle aussi désenchantée, et n’arrive pas à mener à bien les autres histoires d’amour qui se forment. Difficile de voir un simple hasard dans le fait que Michalik se soit octroyé le rôle de William, lui qui avait également créé le rôle au théâtre. Quoi qu’il en soit, ce personnage complètement à la ramasse, sarcastique à souhait et en même temps borderline avait du potentiel dans cette histoire, étant donné que le pitch s’appuyait sur le fait qu’il devait s’occuper de sa nièce. Une histoire d’amour aurait pu fonctionner si Michalik avait souhaité rallonger son œuvre, pour s’attarder sur les multiples histoires d’amour qui fleurissent entre les personnages : l’amour fraternel retrouvé entre Katia et William, celui de William envers sa nièce qu’il apprend à connaitre, son amour perdu ou encore l’amour qui a généré tous les autres – Katia et Justine.

Regarder le dernier film d’Alexis Michalik nous laisse avec un goût d’amertume, doublé de sentiments contrastés voire illégitimes. Une histoire d’amour nous offre véritablement et contre toute attente un bon et beau moment ; Alors, comme un hommage au titre du film, on préfère s’attarder (ou ne retenir) qu’une seule histoire d’amour ; l’originelle, celle des deux femmes, éminemment naturelle et touchante. Peut-être parce qu’on ne souhaite tout simplement pas retenir le reste, parfois risible et comique. Une histoire d’amour était une belle promesse, une possibilité d’offrir une belle œuvre poétique, réaliste et douloureuse, car telle est la vie (ndlr). Pourtant, cette heure vingt de visionnage nous suffit, et nous convainc bien assez de l’existence d’un certain échec d’avoir transposé cette pièce de théâtre au cinéma. Au moins, nous avons ri, si tant est que cela ait été le but du réalisateur.
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