Strange Way of Life : Shérif, fais-moi frémir…

C’était l’un des événements cannois de l’année, disant à quel point chaque film du cinéaste est attendu même lorsqu’il s’agit d’un court métrage : le western queer Strange Way of Life avait été présenté pour quelques séances spéciales, rapidement complètes. Pensez donc : Pedro Almodóvar qui réalise un western avec Ethan Hawke et Pedro Pascal en anciens amants, habillés qui plus est par la maison Saint Laurent, il y avait bien de quoi créer l’événement !

Mais que l’on se rassure, Strange Way of Life (qui bénéficiera d’une sortie en salles le 16 août, accompagné par un autre court du cinéaste, La voix humaine) n’a rien d’un simple happening réalisé par un réalisateur souhaitant faire parler de lui : il s’agit au contraire d’une réelle œuvre de cinéma, contenant d’ailleurs bien plus d’idées cinématographiques en trente minutes que bien d’autres films à la durée plus conséquente ! Preuve de la maîtrise d’Almodóvar qui transcende un pitch pourtant simple : ancien tueur à gages, Silva traverse le désert pour retrouver Jake, son ancien amant désormais devenu shérif. Mais ces retrouvailles ne sont pas sa seule motivation…

Il est étonnant de constater la façon dont le film, bien aidé par ses deux fabuleux acteurs principaux, parvient à donner un bel aperçu de la relation unissant Jake et Silva. En une poignée de séquences et quelques dialogues, Strange Way of Life laisse apercevoir tout un passé et tout un monde dont nous saurons à la fois beaucoup et finalement pas grand-chose, suffisamment en tout cas pour comprendre combien les personnages sont liés sans que le scénario ne s’appesantisse là-dessus. Le film a en effet peu de temps pour dérouler son récit et le fait avec un très beau respect des codes du genre (le tournage a même eu lieu dans la province d’Almeria, décor emblématique ayant servi aux films de Sergio Leone), sans intention de les réinventer mais avec la volonté d’y apporter un regard neuf et de montrer un univers où deux hommes peuvent s’aimer et en parler.

Prouvant la grande capacité d’Almodóvar à tourner autour des mêmes thématiques sans jamais donner l’impression de se répéter, Strange Way of Life s’affirme alors comme une belle réussite, parvenant à atteindre une ampleur émotionnelle inattendue dans un format aussi court. Une œuvre en forme de récréation certes mais une œuvre personnelle et dans la parfaite continuité de la filmographie d’un artiste dont chaque projet fascine et émeut, à ne manquer sous aucun prétexte.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*