Medusa Deluxe : Laque, meurtre et coups de ciseaux

Des ciseaux, de la laque, des paillettes… Tel est le cocktail parfait pour un concours de coiffure régional aux Etats-Unis. Les coiffeuses terminent leurs œuvres sur les mannequins, tandis que le corps de l’un des coiffeurs est retrouvé, scalpé. De coiffeuses à mannequins, de directeur de concours au vigile, les commérages et interrogations vont bon train. Qui a tué Mosca? La concurrente violente ? L’amant jaloux ? Ce huis-clos se déroulant dans les coulisses du concours nous emmène tout droit dans un univers sombre et coloré, là où la laque, les salons et les coiffures emmènent au meurtre.

Disponible dès maintenant sur MUBI, Medusa Deluxe est un film dans lequel on s’immerge, et son réalisateur Thomas Hardiman a opté pour seul et unique lieu les coulisses du concours. Elles deviennent dans ce film ce que l’on pourrait voir comme un « murder mystery » : on doit trouver le coupable. C’est finalement une véritable scène de théâtre : tous les personnages nous livrent leurs versions avec des rebondissements en tous genres. Tout comme eux, on arpente les couloirs, et ce en temps réel. Si l’on accepte de regarder les premières minutes, il nous est presque impossible de descendre du train dans lequel nous sommes montés : c’est une enquête qui commence, faite par les participants au concours, en parallèle des conversations enflammées sur la coiffure, et surtout, des ragots. Si à première vue Medusa Deluxe est un film sur un meurtre et les cheveux, c’est bien plus que ça. A travers les conversations et déambulations, on découvre la carte imaginaire des liens entre tous les personnages. Leurs secrets, leurs points de vues, mais aussi leurs espérances concernant le concours tant attendu, qui ne viendra pas. Vient plutôt le temps des interrogatoires.

Dès les premières minutes, le ton est donné : Une coiffeuse nommée Cleave discute avec une autre coiffeuse, Divine, du meurtre de leur concurrent, Mosca. Cleave nie l’avoir tué, mais use de violence dans ses propos. Elle a un langage cru, elle lui aurait bien donné quelques coups de poings lors d’un léger désaccord. Elle est certainement le cliché de la coiffeuse brute de décoffrage, qui n’hésite pas à attaquer physiquement quelqu’un qui lui aurait fait du tort. Et c’est bien là le problème : chaque personnage, qu’il soit mannequin, coiffeur, vigile ou autre est lié de près ou de loin à la victime. Certains avaient des comptes à régler avec elle, d’autres cachaient de lourds secrets. Tous ces secrets sont dévoilés aux spectateurs par le biais des incessants commérages, des accusations lancées lorsque les femmes retirent leurs extensions ou se démaquillent, lorsque vient le temps d’enlever les artifices, pour deviner qui a tué le pauvre coiffeur. Tous les dialogues sont aussi aiguisés que les lames d’un très bon ciseau pour cheveux : le tout premier récit soit celui de Cleave est presque un conte qu’on écoute sans sourciller ou s’endormir, dans cette ambiance pourtant à la fois douce et emprunte de tensions grandissantes. Tout n’est que question d’intérêts : Certaines pensent que les concurrentes ont triché pour gagner, tandis que d’autres menaient un trafic de produits pour cheveux, qui s’effondre avec la mort du coiffeur. Même les conversations les plus banales nous donnent des petits rires et sourires qu’on ne saurait contrôler tant le cynisme et l’absurde prennent totalement dans cet instant hors du temps. La réaction du compagnon de Mosca est risible, tandis que le vigile maladroit (et potentiel meurtrier et ce dès le début du film) ne cesse d’avoir l’air gêné, ne cesse de demander des lingettes pour bébé pour nettoyer son casier, au passage tâché de gouttes de sang.

La mèche de la violence et des courses poursuites prend feu, et le tout flambe dans une joyeuse polyphonie d’accusations et de questionnements insensés. Malgré ces discussions parfois grotesques voire triviales, l’esthétisme de Medusa Deluxe nous emmène dans un monde à part, dans les couloirs aux lumières rougeoyantes et tamisées. En cela, le film osé de Thomas Hardiman nous donne la sensation de nous retrouver dans le monde de Pose de Ryan Murphy, qui nous projetait au sein de la communauté noire et pré-LGBT des années 80 aux Etats-Unis. Ses personnages évoluent dans le milieu du voguing, et sont donc éclairés par des lumières flamboyantes, à l’ombre de la société peu ouverte à l’évolution des mentalités. Ici, dans Medusa Deluxe, Il règne une certaine poésie, presque un calme affolant malgré la découverte d’un corps à l’aube d’un concours de coiffure. Les caractères des différentes coiffeuses donnent cette impression de puzzle à reconstituer, voire de jeu de société composé de plusieurs personnages, totalement différents, ce qui permet de comprendre au fur et à mesure les relations et enjeux en fonctions des personnalités. Contrairement aux coiffures des mannequins, Medusa Deluxe ne possède pas de fioritures ni de détails qui auraient pu étouffer le mystère. Les déplacements des femmes se font au rythme de bruit des gouttes d’eau qui remontent dans une bouteille, la mélodie la plus importante du film. C’est certainement pour rappeler le monde de la coiffure, mais aussi la pression qui augmente au fur et à mesure. Le lieu devient une poudrière, et toutes les femmes sont prêtes à en découdre face à un mari anéanti, un directeur de concours nerveux et à un vigile traqué. Le scalp n’est pas vide de sens. C’est un trophée, une manière de garder les cheveux, ô combien précieux dans ce monde. Tout est question de tension : celle entre les différents personnages, celle qui émane du potentiel tueur étant identifié comme le vigile, celle d’un potentiel nouveau meurtre, et on en passe.

L’aspect si trivial, si écœurant et morbide du meurtre devient à la fin presque poétique. L’identité du coupable est révélée à travers sa confession aux policiers, confession intime et non la confession d’un coupable. Mosca étant finalement mort d’une overdose, le scalp effectué sur son corps était un moyen de garder sa chevelure qu’il considérait lui-même comme étant semblable à celle de méduse. Ce qui semblait être un trophée de tueur est finalement révélé être un souvenir d’une personne aimée, si morbide soit-il. Quoi qu’un chouia un peu trop long, Medusa Deluxe exploite toutes les bonnes ficelles d’une narration réussie : les discussions sont soit profondément touchantes, soit totalement croustillantes voire risibles ; la caméra se déplace d’une personne à une autre de manière à justement toujours tirer le bon fil et constamment rebattre les cartes. Rien à redire côté forme, le plan séquence fait le travail, et nous immerge dans cet univers si particulier. Pas très étonnant, donc, que Medusa Deluxe ait reçu des critiques élogieuses de toutes parts. Allez donc vous faire votre avis, mais il y a de grandes chances qu’il soit positif.

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