Les espions : Et Fritz Lang inventa tout un genre…

Cinéaste majeur hélas encore peu édité en France en haute-définition, Fritz Lang est revenu sur le devant de la scène en ce début d’année 2023 avec les sorties simultanées, chez Potemkine, de deux de ses films muets : Les espions et La femme sur la Lune, l’éditeur poursuivant ainsi, après son édition incontournable de Metropolis en décembre dernier, son travail autour du réalisateur.

Le film qui nous intéresse dans cette chronique, c’est justement Les espions, arrivant après Metropolis. L’expérience de Lang sur ce classique de la science-fiction a été éreintante et s’est soldée par un échec au box-office tandis que le studio a remonté le film sans son accord. Le cinéaste a donc envie d’un projet plus modeste et sur lequel il pourra avoir le contrôle : ce sera donc Les espions que Lang qualifiait lui-même de ‘’petit film, mais avec beaucoup d’action.’’ Petit si on le compare au monumental Metropolis certes mais Les espions va pourtant être au cinéma d’espionnage ce que Metropolis sera à la science-fiction : une référence du genre, un vivier d’idées dans lequel puiseront bon nombre de cinéastes (Hitchcock compris) et de sagas (James Bond lui doit, à sa manière, aussi beaucoup).

À découvrir aujourd’hui, Les espions paraît en effet avoir influencé tout le cinéma d’espionnage, à la fois classique et moderne. Tout y est : le rythme, les personnages pivots (le héros charmeur, l’espionne trouble, le méchant bien dissimulé dans son repaire), les scènes d’action, les gadgets, les rebondissements. Quand Lang disait que le film comportait beaucoup d’action, il ne mentait pas. En 2h30, jamais le rythme ne faiblit et ce n’est pas dramatique si, au fond, on ne comprend pas grand-chose à l’intrigue, tournant autour du vol de documents et d’organisation criminelle secrète. Ce qui compte, c’est l’inventivité perpétuelle avec laquelle Lang aborde le genre (et l’invente quasiment ici, du moins dans sa grammaire cinématographique d’une modernité admirable), envisageant chaque séquence avec quinze idées à la minute. Lorgnant du côté des serials et préfigurant l’efficacité dont il fera preuve durant sa carrière américaine, Lang fait des Espions une référence totale, entièrement dévouée à l’action guidant en permanence la mise en scène et le montage.

Ne nous laissant guère le temps de réfléchir, Les espions préfère multiplier les rebondissements tout en accumulant les références à de réels événements survenus au début du siècle nourrissant le récit, l’inscrivant alors pleinement dans son époque. Cela ne l’empêche pas d’être moderne pour autant et d’avoir même avec le recul un petit côté ludique puisqu’à mesure que le film avance, on cherche à repérer tous les archétypes qu’il a contribué à créer. Autant dire que c’est absolument vertigineux de constater combien un film peut être à ce point séminal pour tout un genre, au point même d’influencer Alfred Hitchcock, pourtant l’un des réalisateurs les plus cités de l’Histoire du cinéma. Décidément, Fritz Lang est grand, on ne le dira jamais assez.

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