
Il y a des classiques incontournables, ceux sur lesquels nous sommes tous d’accord. Et il y a les œuvres séminales, ces films parfois plus discrets, voire oubliés, qui ont forgé certains des classiques que vous chérissez tant. Terreur Sur La Ligne est un cas particulier. Son réalisateur, Fred Walton, s’est inspiré de Black Christmas de Bob Clark afin de parfaire la base de son scénario (qu’il co-écrit avec Steve Feke) pour son film. Mais vous verrez ci-dessous que cette inspiration donnera des idées à un autre réalisateur presque 20 ans plus tard pour un film désormais culte. Bienvenu dans votre nouvelle séance Shadowz où le film du jour ne manquera pas de diviser, à n’en point douter.

Au cours d’une soirée où elle garde les enfants d’un couple marié, une baby-sitter se fait harceler au téléphone par un inconnu qui lui pose systématiquement la même question : « êtes-vous allée voir les enfants ? » De plus en plus inquiète à mesure que les appels se succèdent, la jeune femme décide de contacter la police.
L’idée de servir la menace par le biais du téléphone était clairement le meilleur point du scénario de Black Christmas, d’autant plus lorsque nous apprenions d’où étaient passés les appels. Reprendre un concept qui a fonctionné est quelque chose qui se fait depuis la nuit des temps. Lors de la sortie de Terreur Sur La Ligne (1979) le film de genre entrait alors dans une nouvelle ère et l’avènement d’un nouveau genre, le slasher, n’allait pas tarder à pointer le bout de son nez. Ainsi, il n’est pas étonnant de constater que Fred Walton réitère l’opération 5 ans après la sortie de Black Christmas. Seulement, son film se démarque rapidement de son modèle. L’homme au téléphone se montre insistant, intrusif et menaçant, bien plus que chez Bob Clark. L’effroi naît rapidement et nous sommes plongés au cœur d’une nuit noire de laquelle une menace semble pouvoir surgir de n’importe où dans le cadre. Walton initie une mise en scène au cordeau. Ses plans sont efficaces, s’étirent juste ce qu’il faut pour laisser le temps au spectateur de frissonner et fait la part belle à son interprète féminine. Le film se révèle un parfait modèle de découpage. Il y a un soin particulier apporté aux lumières tamisées, on ne se sent vraiment pas en sécurité au sein de cette maison située au cœur d’un quartier qui semble paisible et sécuritaire de prime abord. La tension monte crescendo jusqu’à ce que l’on découvre le pot aux roses : pourquoi insiste-t-il autant pour qu’elle aille voir les enfants ? La révélation est à la hauteur des frissons engendrés jusqu’alors, le film sait maintenir un suspense redoutable, c’est une franche réussite. L’ultime plan tétanise par une cruauté viscérale. L’exercice est tellement bien maîtrisé qu’il inspirera Wes Craven pour l’ouverture de Scream. Un premier quart d’heure qui annonce la couleur d’une manière significative et qui promet une séance haute en couleurs. Chez Craven, cela a fonctionné, on ne va pas vous refaire la chronique, Scream est devenu, au fil des ans, un incontournable du genre. Pour Terreur Sur La Ligne c’est une autre pair de manches. En effet, toutes les louanges que nous vous faisons depuis le début de ce paragraphe ne représente, en fait, qu’une vingtaine de minutes dans le film. Tel un éjaculateur précoce, Walton balance la sauce très rapidement et fait chavirer le film vers un tout autre genre par la suite.

La séquence du baby-sitting ne serait donc que prétexte à vendre un autre film ? Oui et non. L’épilogue raccordera les wagons avec l’ouverture dans une ultime séquence aussi bien menée que son début. Seulement, il ne s’agit en réalité que d’un tiers du film. Que se passe-t-il entre les deux ? Un chavirement, un tout autre film, une anomalie ? Chacun trouvera l’adjectif qui lui sied le mieux. De film d’épouvante, Terreur Sur La Ligne bascule vers le thriller. Si le résultat se révèle tout à fait honorable (on y suivra une femme apeurée après avoir été agressée et qui compte sur l’aide d’un policier afin de coincer son assaillant), nous avons l’impression d’avoir été trompé sur la marchandise. Quid du film d’épouvante que nous étions venus chercher ? Quid de la nuit de terreur qui attendait la baby-sitter ? Ceci étant, rien d’étonnant lorsque l’on sait que le projet est originellement un court-métrage, The Sitter, que Walton a décidé de transformer en long suite au succès de Halloween. De fait, Terreur Sur La Ligne propose deux salles, deux ambiances. Il y aura ceux frustrés de s’être fait bernés et il y aura ceux qui sauront se prendre au jeu du deux films en un. A bien y regarder, il y a une étude intéressante et une tentative, un peu maladroite, d’inverser les rapports du spectateur aux bons et mauvais personnages. En effet, dans la seconde partie du film, nous sommes focalisés sur le policier qui chercher à retrouver l’agresseur pour…le tuer ! Il ne s’agit pas de faire une enquête en bonne et due forme, simplement de céder à la pulsion meurtrière sous couvert de se cacher derrière son assermentation. Walton dépeint son antagoniste comme un pauvre type qui n’a aucun but dans la vie si ce n’est de traîner dans les bars afin de conquérir une femme. Rejeté par toutes et tous (il faut voir les raclées qu’il subit quotidiennement), on se surprend à prendre en empathie ce pauvre type rongé par tant de névroses. Là où la figure de la loi, celle supposée représenter le bien, devient une entité aussi froide que sa proie, avide de sang et de vengeance. Le chasseur se révèle être bien plus proche du chassé et, en cela, Terreur Sur La Ligne opère une singulière opération que de scinder son film en deux genres distincts. Le revirement brutal ne sera pas du goût de tous, mais le film reste un fascinant objet d’étude quoiqu’on en pense.

Terreur Sur La Ligne est donc un film qui excelle dans une ouverture et une fermeture digne des plus grands films d’épouvante. Pour ce qui est de son aspect thriller, il est un film suffisamment correct qui pose suffisamment de bonnes idées d’analyses pour pouvoir en sustenter plus d’un. Mais ne serait-ce que pour son ouverture grandiloquente, Terreur Sur La Ligne mérite amplement qu’on s’y arrête. Pierre fondatrice d’un grand nombre d’oeuvres qui reprendront le même concept par la suite, il demeure un modèle de découpage et de mise en scène que s’en priver reviendrait à ne jamais connaître l’extase que provoque une douce gorgée d’eau bien fraîche par 40 degrés : impensable !
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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.
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