
Il n’y a pas que les salles obscures qui ont le privilège de diffuser les films d’horreur estivaux qui vous laisseront un souvenir impérissable. Nos amis de chez Shadowz ne ménagent pas leurs efforts et nous offrent deux nouvelles exclusivités de derrière les fagots qui alimenteront à coup sûr vos prochaines discussions. Cette semaine, nos yeux ont décidé de se porter sur l’énigmatique Megalomaniac. Projet vendu comme un ersatz de Henry, Portrait d’un Serial Killer et Golden Glove, le film de Karim Ouelhaj s’émancipe rapidement des modèles susmentionnés afin de parvenir à se créer un univers aussi macabre que poétique. Megalomaniac est un film exigeant qui vous demandera une totale dévotion. Une expérience viscérale de laquelle il sera impossible de sortir indemne. C’est également un film qui mérite de mûrir après une longue digestion, aussi nous vous demanderons d’être indulgent étant donné que nous écrivons ces lignes à peine quelques minutes après avoir assisté au générique de fin de ce dernier.

Félix et Martha sont les enfants d’un terrible tueur en série belge, le Dépeceur de Mons, qui a sévi dans les années 1990. Martha, peu sûre d’elle, est mentalement très vulnérable et vit sa vie principalement à travers les médias sociaux. Pendant ce temps, son frère poursuit le travail de leur père. Lorsque Martha est harcelée au travail, elle sombre dans la folie et explore le monde horrible de son frère.
L’originalité première de Megalomaniac réside dans le fait d’appuyer les bases de son récit sur un cold case qui a défrayé la chronique dans le nord de la France. En effet, le Dépeceur de Mons (c’est ainsi qu’il a été baptisé par la presse) est apparu en Mars 1997 lorsque des sacs poubelles renfermant des restes de jeunes femmes ont été retrouvés dans des lieux aux noms évocateurs tels que la rivière « Haine », la rue du dépôt ou encore la rivière « Trouille ». A ce jour, cinq cadavres ont été identifiés et en Avril 1998, plus aucun sacs n’ont fait leur apparition. Plusieurs suspects ont été arrêtés et disculpés au cours de l’enquête. Le Dépeceur de Mons reste, à ce jour, non-identifié. A partir d’un fait divers aussi mystérieux que tordu, Karim Ouelhaj s’offre un matériau en or. On comprendra rapidement qu’il ne s’intéresse que très peu aux faits réels, il n’a pas pour ambition de nous refaire Zodiac de Fincher. Ce qui fascine le réalisateur est d’inventer une mythologie à ce tueur, une famille dysfonctionnelle qui interpelle l’inévitable question de l’héritage. L’ouverture du film annonce la couleur. Nous assistons à un accouchement douloureux sous la houlette d’un homme mutique et dépourvu de toute émotion. Il s’agit de la naissance de Martha qui se fait dans le sang, la rage et la douleur. Immédiatement ensuite, le film nous emmène au cœur du quotidien de cette fratrie une vingtaine d’années après les faits évoqués en ouverture. Félix perpétue l’héritage de son père. Comme un poison héréditaire qui coule dans ses veines, il ne semble savoir rien faire d’autre que de traquer, mutiler et tuer. Le spectre du père n’est jamais bien loin d’ailleurs. Il hante ses enfants de toute son aura. Sa présence est toujours tapie dans l’ombre, ce qui permet à Karim Ouelhaj de nous imprimer les rétines d’images léchées et absolument terrifiantes.

Mais le cas qui intéresse le plus notre réalisateur, est évidemment celui de Martha. Si le film montre explicitement que la maison est hantée par l’esprit du père, on se rend rapidement compte que Martha est hantée à sa manière également. Elle change subitement de regard assez souvent et souffre de troubles psychiques évidents, sorte de schizophrénie instable qu’on redoute de voir éclater à chaque instant. Ce qui intéresse le réalisateur n’est pas de comprendre le mal qui ronge Martha, mais de tenter de nous faire ressentir tout son mal être. Ainsi, il compose des tableaux morbides et gores aussi graphiques que fascinants. Esthétiquement, le film est d’une beauté incomparable, mais qui s’adresse, toutefois, aux spectateurs les plus avertis. Megalomaniac est un film exigeant, très peu bavard, qui insiste sur les situations désagréables pour venir chercher le malaise. Malaise généré, exclusivement, par des vices patriarcaux qui font, malheureusement, encore légion aujourd’hui et notamment vis à vis du corps des femmes. Ces corps objectifiés, charcutés, maltraités tant physiquement par le biais de Félix qui tue froidement que psychologiquement par le prisme de Martha qui est moquée, humiliée et violée au travail. Megalomaniac s’avère donc être un plaidoyer féministe à sa manière. Une ode à la femme forte qui exprime une profonde aversion pour la masculinité toxique. Mention spéciale pour Eline Schumacher qui hante littéralement chacune des séquences d’une présence extraordinaire. Si nous la prenons en empathie, nous la craignons également. Elle parvient à jouer parfaitement sur les deux tableaux et nous offre un épilogue jouissif digne des meilleurs films de vengeance tout en restant dans une retenue déconcertante. Elle a définitivement l’étoffe d’une très grande actrice.

On pourrait pousser encore plus loin l’analyse, mais comme nous vous l’annoncions en préambule, Megalomaniac est un film dense et exigeant qui mérite une longue digestion, pour ne pas dire un second visionage, afin d’en extraire toute la substantifique moelle. Shadowz nous octroie une nouvelle pépite de l’horreur à la française qui mérite toute votre attention. Le film est emplit de sous-textes riches, angoissants et prenants et sa forme est d’une beauté lugubre qui gravera des images fortes qui risquent de vous hanter durant un long moment. Megalomaniac est à découvrir de toute urgence, assurément l’un des meilleurs films d’horreur à voir cet été.
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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.
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