
Vous le savez bien, il nous est complètement impossible – même dans une rédaction à l’équipe aussi enthousiaste et fournie – de voir et de chroniquer tous les films qui sortent en salles. Fatalement, des projections presse nous passent sous le nez et le temps qui nous manque nous force à avoir des priorités pour faire les rattrapages des films sortis au cinéma. Il est donc salvateur pour nous que nous nous occupions également des sorties vidéo, non seulement pour découvrir tous les classiques dégotés par une flopée d’éditeurs talentueux (Carlotta, Rimini, Elephant, Artus, Sidonis, Le chat qui fume…) mais également pour prendre le temps de rattraper les films loupés en salles. Bonne pioche avec La Passagère, sorti fin décembre dernier (drôle de choix, presque un suicide commercial) et qui est désormais disponible depuis le mois de mai chez Blaq Out dans une édition DVD. On regrettera que l’éditeur n’ait pas fait le pari du blu-ray tant le film a de belles qualités esthétiques mais on sera tout de même heureux de notre découverte.

Se déroulant sur une île de la Côte Atlantique, La Passagère raconte l’histoire de Chiara, femme de 45 ans pratiquant le métier de la pêche auprès de son mari Antoine. Le couple est solide, bien rodé face à leur quotidien pas toujours facile mais l’arrivée de Maxence, jeune apprenti, va bousculer les certitudes de Chiara et éveiller son désir… C’est donc sur une histoire somme toute assez classique que le film part mais avec l’excellente idée de mettre en avant son héroïne, femme libre de ses désirs qui choisit de les écouter et de vivre une histoire avec Maxence en dépit des conventions.
Refusant les clichés, le scénario évite tout ce qui pouvait faire basculer le récit dans le mélo (à deux scènes près – logiques et inévitables sur le plan dramaturgique) afin de se concentrer sur l’essentiel. Ce qui compte ici c’est Chiara, beau personnage que la réalisatrice Héloïse Pelloquet (dont le joli court métrage Côté cœur est disponible dans les bonus de l’édition DVD) filme avec tendresse, et combien ses désirs font avancer l’histoire. Préférant ne pas livrer toutes les clés du personnage, adoptant un point de vue réaliste mais non dénué de poésie, le film est tout entier dédié à une héroïne si peu courante dans le cinéma de tout temps. La mise en scène naturaliste de la réalisatrice, filmant avec minutie aussi bien les scènes de pêche que le visage de son actrice principale, contribue pour beaucoup à la réussite du film qui séduit par son humilité et sa tendresse.

Certes, l’intrigue aussi resserrée et aussi simple ne permet pas au récit de prendre une grande ampleur mais Héloïse Pelloquet, tout en témoignant d’un vrai regard de cinéaste (les scènes de sexe sont superbes) n’a pas l’ambition d’en faire plus, évitant ainsi le piège du premier long métrage qui consiste à vouloir trop en dire d’un coup. Ici, la réalisatrice ménage ses effets et s’appuie avant tout sur ses comédiens : si Félix Lefebvre confirme son talent révélé par Été 85, c’est bien sur les épaules d’une formidable Cécile de France que repose tout le film, l’actrice illuminant tous les plans dans lesquels elle apparaît. Particulièrement juste dans les émotions qu’il décrit, La Passagère se paie le luxe d’un des plus beaux échanges de regards amoureux récemment vus dans le cinéma français et se conclut par un épilogue refusant le moindre artifice, recentrant le récit sur Chiara lors d’un dernier plan émouvant. Une belle découverte, assurément.

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