Du rouge pour un truand : Chicago 30’s Style

Continuant à garnir nos étagères de films rares, voire méconnus, Carlotta Films a fait très fort le 16 mai dernier en éditant en blu-ray Du rouge pour un truand, l’un des premiers films de Lewis Teague (qui se fera connaître ensuite pour L’incroyable alligator et Cujo – également édités par Carlotta, tiens tiens…) qui n’aurait certainement jamais capté plus que ça notre attention si un certain Quentin Tarantino ne s’était pas mis à lui chanter récemment des louanges, au point de lui consacrer une critique parue en octobre 2021 dans Les Cahiers du cinéma et de clamer qu’il s’agissait selon lui ‘’du meilleur scénario jamais écrit pour un film d’exploitation.’’ Évidemment, avec le temps, nous avons tendance à prendre ce genre de déclaration avec des pincettes et si nous n’avons pas la même culture que Tarantino concernant le cinéma d’exploitation, nous pouvons tout à fait lui donner raison !

En effet le scénario du film, écrit par John Sayles, est un modèle de concision à l’efficacité redoutable. En 1h30, Du rouge pour un truand convoque tous les archétypes du film de gangsters des années 30 et ce pour notre plus grand plaisir, avec un sens de la narration ne souffrant d’aucunes longueurs. En 1h30, notre héroïne Polly Franklin incarne tous les personnages féminins possibles et imaginables de cette époque : fille de ferme quittant la campagne pour Chicago, elle sera tour à tour ouvrière, serveuse, détenue de prison, danseuse, prostituée, maîtresse de John Dillinger et gangster.

La réussite du film tient énormément à la qualité du scénario de Sayles dont le rythme est aussi efficace qu’une rafale de mitraillette, faisant passer son personnage par bien des péripéties sans jamais donner l’impression qu’une scène est expédiée et qu’elle aurait mérité plus de traitement. Au contraire ici, tout est parfaitement agencé, on ne se pose pas mais on ne précipite pas les choses non plus et chaque séquence tient habilement sa place au cœur d’un scénario ne sacrifiant jamais la vitesse d’exécution à la qualité. C’est ainsi à tout un panorama de l’Amérique des années 30 auquel nous assistons, une espèce de film-somme qui n’en aurait pourtant pas la prétention, où l’on croise aussi bien John Dillinger que Eliot Ness et qui est en prime parfaitement orchestré par Lewis Teague. Le cinéaste se montre en effet parfaitement à l’aise dans le registre, convoquant de sacrées gueules de cinéma (Robert Conrad, Louise Fletcher, Christopher Lloyd, Robert Forster, Dick Miller…) et ne laissant jamais apercevoir la modestie de son budget tant les années 30 qu’il filme sont merveilleusement crédibles à l’écran.

Il nous faudra également mentionner la formidable prestation de Pamela Sue Martin dans le rôle principal, héroïne sans cesse malmenée par la vie mais se relevant à chaque fois la tête haute, décidée à embrasser le destin que la vie lui réserve quitte à lui forcer la main et à en payer le prix. L’actrice, essentiellement connue pour son rôle de Fallon Carrington-Colby dans la série Dynastie, fait des merveilles et affirme un talent qui n’aura jamais été exploité à sa juste valeur sauf ici, dans ce film méconnu et pourtant incontournable, grande réussite du genre, la preuve (s’il en fallait encore une) que le cinéma d’exploitation peut donner naissance à de grands films !

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