Magic Mike – Dernière Danse : J’ai longtemps parcouru son corps…

S’il ne fallait garder qu’un seul réalisateur contemporain au titre de caméléon, pour sûr que nous choisirions Steven Soderbergh. Véritable boulimique de cinéma, le réalisateur ne cesse d’expérimenter des techniques de mise en scène et aime s’attaquer à n’importe quel genre. Que ce soit le drame social (Erin Brockovich), le biopic (Che), le film de braquage (Ocean’s Eleven), le polar (No Sudden Move), l’expérimental (Girlfriend Experience) ou encore le film d’horreur (Paranoïa), on ne peut pas lui reprocher d’essayer à défaut de toujours exceller. Mais ce qui a toujours été surprenant au cœur de sa filmographie déjà bien remplie réside en la série des Magic Mike. D’un projet centré sur le passé de sa star Channing Tatum, Soderbergh a su tirer un film divertissant non sans parvenir à rajouter une force et des enjeux prenants dans son scénario. Le premier volet avait cette capacité à savoir réunir plusieurs types de spectateurs et mettre tout le monde d’accord. Ce n’était pas qu’un simple film sur des hommes stripteaseurs, les enjeux allaient bien au-delà. Le film est sorti en 2012 et gagne en puissance au fil des années : c’est toujours un vrai plaisir de le (re)découvrir tant les thématiques sont riches. Malheureusement, nous avions complètement déchanté lors de la sortie de Magic Mike XXL en 2015. Il n’y avait plus une once d’envie, plus de malice, plus d’enjeux. Le film ne se reposait que sur la plastique de Channing Tatum et de ses comparses et se contentait d’aligner ses scènes de danse comme un charcutier débite une carcasse. La suite était fade et provoquait un rejet incommensurable. Ainsi, difficile d’être optimiste lorsque l’on voit Steven Soderbergh revenir avec son poulain dans un troisième opus. D’autant que la sortie directement en vidéo de Magic Mike : Dernière Danse ne laissait pas présager un film à la hauteur des ambitions du grand frère.

Une affaire ratée a laissé Mike fauché. Il travaille désormais comme barman en Floride. Pour une dernière folie, Mike se rend à Londres avec une investisseuse de renom. Elle lui fait une offre qu’il ne peut refuser, une proposition d’emploi qu’elle se garde de lui révéler. Mis devant le fait accompli, Mike se retrouve chorégraphe d’une troupe de danseurs en herbe et doit monter, en un temps record, un grand spectacle.

La grande force du premier film résidait en l’amour que portait Soderbergh à ses personnages. Il leur a offert un vrai background. Tous les danseurs avaient une bonne raison de pratiquer leur métier. Le tout mêlé à l’immense tension sexuelle lors des numéros de danse, Magic Mike était, en quelque sorte, le pendant masculin (et un poil plus soft) de Showgirls. Pour ce troisième opus, Soderbergh nous offre un dernier show à la tension sexuelle inéluctable dès son ouverture afin de mieux redistribuer les cartes par la suite. Il change le décors, les objectifs du héros et ses motivations. Magic Mike : Dernière Danse fait peau neuve dans la caractérisation de son héros pour notre plus grand bonheur. Le premier quart d’heure du film opère comme un chant du cygne. Soderbergh nous offre un dernier frisson afin de mieux nous préparer à la suite. Il nous rassure en nous amenant en terrain connu afin de ne pas nous perdre lorsqu’il dévoile les vrais enjeux du projet. Le sujet sonne terriblement moderne. Il s’agit de parvenir à décrypter ce dont les femmes ont besoin à notre époque. Le film prend à bras-le-corps un discours féministe (Salma Hayek Pinault est formidable dans ce rôle de femme à poigne avec de nombreuses fêlures) afin d’étoffer son histoire. Il ne s’agit plus de faire fantasmer les femmes, il s’agit de comprendre ce qui les fait vibrer. Mike n’est plus qu’un simple objet de désir, il devient le porte-parole d’un certain éveil des consciences. Pour Soderbergh, il ne s’agit plus uniquement d’amuser la baraque, il faut que le divertissement ait un sens. L’érotisation des corps doit avoir un sens.

Si l’on a l’impression de se retrouver face à un ersatz de Pretty Woman, ce n’est que pour mieux parvenir à en contourner les codes. Le romantisme des années 80 est révolu. Si voir Richard Gere entretenir Julia Roberts a fait son effet jadis, l’image que le film renvoie aujourd’hui est désuète. Soderbergh a parfaitement conscience des enjeux de son film et lui offre une alternative. Non pas qu’il ait la prétention de détenir une sacro-sainte parole, mais Magic Mike : Dernière Danse possède des enjeux qui lui confèrent une aura gigantesque. Non content de replacer le rôle des femmes sur un piédestal et de leur rendre un vibrant hommage, il prend un malin plaisir à travailler avec l’un des facteurs les plus importants du désir : la frustration. S’il s’ouvre de manière immensément sexuelle (la danse entre Channing Tatum et Salma Hayek Pinault risque de mettre en émoi plus d’une personne), le film barricade chacune des tensions sexuelles qui surviendront par la suite. Soderbergh fait naître le désir, il nous inculque la patience et l’envie. On ne saura jamais vraiment vers quelle type de finalité l’histoire cherchera à nous emmener, jusqu’à son apothéose finale. La fameuse dernière danse annoncée dans le titre tient toute ses promesses. Le clou du spectacle, étendu sur une bonne demi-heure, nous en met plein les mirettes. Soderbergh délivre un orgasme explosif d’apparence, mais en réalité extrêmement contrôlé. Toute la finalité de son expérience réside en cela : il ne s’agit plus de savoir exciter les sens, il s’agit de comprendre pourquoi on le fait et quel sens on donne à cette pratique.

Magic Mike : Dernière Danse enterre définitivement le film précédent et raccroche formidablement les wagons avec le premier film. Comme deux miroirs de deux époques qui se répondent, Magic Mike et Magic Mike : Dernière Danse se complètent pour devenir une seule et même entité. Nous assistons, satisfaits, à l’envol d’un phœnix qui ne danse plus pour vivre, mais qui danse pour animer sa vie. Une belle métaphore d’expression corporelle dont seul Steven Soderbergh a le secret. Son film est assurément une franche réussite.

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