Indiana Jones : Archéologue, aventurier et… comique !

Il est de retour sur nos écrans après 15 ans d’absence. Les spectateurs imaginaient, à raison, que le Royaume du Crâne de Cristal serait sa dernière aventure. Mais notre chasseur de trésor préféré a remis son chapeau et récupéré son fouet pour une nouvelle virée. Profitons de la sortie de ce nouvel opus cet été pour revenir sur les quatre précédents volets nés de l’étroite collaboration entre Steven Spielberg et Georges Lucas. Nous avons l’impression de bien connaître Indy. C’est un archéologue émérite, un universitaire chevronné, un aventurier intrépide, un séducteur et un bagarreur. Mais ce qui fait aussi la recette « Indiana Jones », c’est l’importance de l’héritage comique emprunté aux grands maîtres du burlesque muet tels que Charlie Chaplin et Buster Keaton et réemployé par Spielberg. Alors installez-vous confortablement, nous allons vous expliquer en quoi Indiana Jones parvient à concilier une attitude badass et un effet clownesque.

Le cinéma burlesque de l’époque du muet, porté par ses prophètes Chaplin, Keaton, Lloyd, Laurel et Hardy représente les tous premiers films d’action. En effet, c’est la première fois que les spectateurs sont confrontés à de véritables cascades spectaculaires, à des chorégraphies complexes requérant des aptitudes physiques dignes des meilleurs gymnastes. Les acteurs du burlesque sont alors des corps malléables réalisant des gags toujours plus inventifs. Plus tard, cette comédie du corps transformé en marionnette sera reprise et adaptée dans le format du cartoon de Walt Disney, Tex Avery et les frères Fleischer. Il faut bien avoir en tête que l’action physique d’Indiana Jones, qui saute d’un cheval en pleine course sur un train en marche, se balance au bout de son fouet, affronte plusieurs ennemis en même temps en utilisant l’environnement à son avantage, prend sa source dans les performances physiques des maîtres du burlesque. Cette construction particulière est précisément ce qui va donner aux scènes d’action de la saga un côté familial et léger, bien éloigné de scènes d’actions beaucoup plus brutales et sanglantes que l’on trouve dans d’autres registres. Indy casse des gueules certes, mais avec légèreté, comme un gamin qui se bagarre pour jouer avec ses copains.

On pourrait considérer la séquence d’ouverture de La Dernière Croisade comme le parfait exemple de cette logique burlesque. Le jeune Indiana, qui n’est encore qu’un scout, s’oppose à un groupe de pilleurs de tombes dans une lutte mémorable sur le train d’un cirque. Une succession de gags et d’actions viennent ponctuer la scène : Indy tombe dans le wagon aux reptiles où il découvre sa phobie des serpents, puis dans celle du lion où il manie le fouet pour la première fois, avant de risquer de se faire embrocher par la défense d’un rhinocéros. Cette séquence symbolise une sorte d’initiation à l’aventure et à l’action pour le jeune Indy qui sera ensuite la voie choisie par le héros. L’aventurier souhaite avant tout garder son humour et ses acrobaties afin de ne jamais ennuyer son public trans-générationnel. Mais malgré son aura de légende, Indiana Jones ne peut pas assurer le show en solitaire. La comédie qui irrigue la saga est rendue possible par le panel croustillant de sidekicks qui secondent Indy dans ses aventures.

Des adjuvants, il y en a dans les quatre films, même si les plus mémorables seront ceux du second et du troisième volet. Dans Le Temple Maudit le comique est incarné par le personnage de Willie Scott (Kate Capshaw) et les deux scènes devenues cultes du dîner au palais et de la parade nuptiale. Même si le personnage en lui-même a vieilli et que nous ne pouvons pas nier qu’il représente une vision archaïque de l’héroïne féminine, d’un point de vue cinématographique, ses interventions sont pensées comme des gags purs directement hérités de la screwball comedy. Durant la parade nuptiale, un jeu de séduction s’opère entre Indy et Willie et une chorégraphie de déplacements comiques se joue entre les deux entrées de leur chambre respective. Il s’agit de va-et-vient, puis de malentendus et de quiproquos qui vont installer la complicité des personnages qui prétendent se détester l’un l’autre, tout en s’attirant. Indy va finalement se faire attaquer dans sa chambre sans que Willie ne s’en rende compte, continuant le jeu de quiproquo, puisque celle-ci imagine qu’il ne veut pas la rejoindre pour la séduire. De toutes les héroïnes féminines, Willie n’est pas la plus active dans l’intrigue mais celle qui se rapproche le plus d’un vrai personnage de comédie, contrairement à Marion que l’on retrouve dans le premier et le quatrième volet et qui possède une place plus importante dans l’enchaînement des événements.

Néanmoins, la Palme du meilleur sidekick revient au personnage d’Henry Jones Sr. (Sean Connery), qui explose le record de situations comiques dans une aventure de Indiana Jones. Présent dans le troisième volet de la saga, Henry Jones Sr. est le père de Indy, professeur de littérature médiévale et obsédé par la quête du Graal. Il confirme notre théorie sur la dimension comique et burlesque des films puisque son personnage est entièrement construit à l’opposé de son fils, recette burlesque vieille comme le monde. Henry est un rat de bibliothèque, élégant et distingué, qui ne s’abaisse pas à s’amuser des violentes bagarres entre son fils et les nazis. Gardant son calme en toutes circonstances, il reprend une fois encore les codes des personnages burlesques puisque sa maladresse va à la fois leur attirer des ennuis mais aussi les en extraire. C’est ainsi qu’en voulant brûler les liens qui les retiennent prisonniers, Henry met le feu au château des nazis, semant involontairement une pagaille salvatrice. Même chose lorsqu’il cause par mégarde le crash de leur avion, puis abat l’avion ennemi en faisant s’envoler une nuée d’oiseaux avec son parapluie. Henry Jones propose une autre approche de l’aventure, tout aussi trépidante que celle choisie par Indy, mais qui ne se départit jamais de sa sophistication et d’un léger dédain.

Le cinquième et dernier volet ne semble pas abandonner cet héritage comique et burlesque, puisque la sidekick de cette nouvelle aventure n’est autre que Phoebe Waller-Bridge, l’actrice-scénariste géniale auteure de la série Fleabag. En se penchant sur le travail et le jeu d’actrice de Waller-Bridge dans sa série, on remarque un travail très soigné de l’humour british, noir et pince-sans-rire. Pour un rôle principal de ce nouvel opus, ce choix nous confirme l’importance de la comédie dans l’univers de Indiana Jones. Oui, c’est tout à fait possible d’échapper à des sectes démoniaques, découvrir des cités perdues, combattre des nazis et ramener des trésors ancestraux en s’amusant comme un petit fou.

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