Farang : Castagne en Thaïlande

Parfois, le cinéma français peut juger hâtivement certaines productions de films d’actions. Nous avons la comparaison facile avec les mastodontes hollywoodiens et en bons français nous sommes très doués pour dévaloriser nos films d’actions nationaux. En témoigne certains succès publics qui sont malheureusement décriés par la critique (allez redécouvrir Le Pacte des Loups qui en est le parfait exemple). Habitué des séries B d’horreur, le réalisateur Xavier Gens relève le défi de l’actionner bleu blanc rouge avec son nouveau film Farang, blockbuster mêlant histoire de vengeance et arts martiaux, dans nos salles le 28 juin.

Sam (Nassim Lyes) est un jeune boxer fraîchement sorti de prison et contraint de s’exiler sur une île Thaïlandaise pour échapper à ses anciens contacts qui le forcent à reprendre le trafic de drogue. Il vit cinq années paisibles durant lesquelles il fonde une famille et vit honnêtement en alternant son boulot de bagagiste dans un hôtel et des combats de boxe thaï. Alors qu’il a le projet d’acheter un terrain avec son épouse, il se heurte à l’administration véreuse et Sam n’a d’autre choix que d’accepter un boulot de contrebande pour le compte d’un gangster français lui aussi exilé en Thaïlande. Malheureusement, rien ne se passera comme prévu et Sam va devoir refaire usage de la violence pour s’en sortir. Xavier Gens nous propose ici un film de vengeance à l’histoire classique mais efficace. Les motivations du protagoniste sont nobles, puisqu’il souhaite gagner assez d’argent pour offrir un cadre de vie décent à sa famille mais la noblesse de ses intentions sera entravée par la corruption et le crime, sentier qu’il n’a pas choisi mais qu’il est contraint d’emprunter. Il est très plaisant de découvrir en premier rôle le jeune Nassim Lyes, acteur méconnu, ayant fait quelques apparitions chez certains youtubeurs ou encore en second rôle dans Le Dernier Mercenaire avec Jean-Claude Van Damme.

Le titre du film est un terme thaï dérivé du mot farangset qui signifie « Français ». Sam est considéré comme un étranger et n’est pas le bienvenu dans ce pays d’accueil. Ce propos n’est pas sans rappeler la situation dramatique des migrants en Europe. Du fait de son statut d’étranger, on lui refuse le bonheur auquel il a droit, élément narratif de fond qui viendra légitimer le déferlement de violence qui formera l’essentiel du film. Xavier Gens prend le temps de présenter ses personnages ainsi que la situation grâce à un premier acte enchanteur dans les paysages côtiers magnifiques de la Thaïlande. Ces derniers viendront contraster avec le milieu urbain nocturne de Bangkok, filmé dans la seconde moitié du film.

D’ailleurs, la violence parlons-en ! Farang est avant tout un film d’action et d’art martiaux très bien fabriqué. Il semble approprié de parler effectivement de « fabrication » car le réalisateur semble mettre un point d’honneur à réaliser les scènes d’action de façon artisanale. Les scènes de combat sont magnifiques tout en étant brutales, et cette réussite est à l’évidence le résultat de nombreuses heures d’entraînement des acteurs, des chorégraphes et des cascadeurs. Tout n’est pas uniquement affaire de fonds verts, d’images de synthèse et de câbles, il s’agit de savoir filmer le combat correctement, ce qui n’est pas donné à tout le monde. La caméra de Xavier Gens semble se calquer sur les corps des combattants et se laisse emporter par les mouvements de lutte, les coups et les chutes pour être toujours au plus près de l’action. Xavier Gens fait donc mentir le cliché qui dit que « aux Etats-Unis c’est mieux ». Il propose une violence sculptée avec précision et beaucoup d’amour. Avant d’être suspecté de publicité mensongère, précisons : il s’agit bien d’un film d’action. Evidemment cela suppose un certain nombre de conventions et de stéréotypes déjà vus mais tout à fait légitimes pour ce produit de divertissement. Le film plaira aux amoureux de ces actioners cocorico comme les récents succès d’Alban Lenoir Balle Perdue et Balle Perdue 2. Pour ceux d’entre vous qui seraient attirés par le décor magique de la Thaïlande, ne vous attendez pas à un film d’Apichatpong Weerasethakul. Contrairement aux personnages du cinéaste Thaï qui sont en perpétuel questionnement mystico-existentiel, Sam lui, est on ne peut plus pragmatique. Il doit aller d’un point A à un point B, et tout ce qui se trouve en travers de sa route se cassera les dents sur ses abdos suants.

Farang est également un bon moyen de mettre en valeur nos films d’actions qui sont, malgré les critiques, plus appréciés qu’on ne le pense. Le cinéma est aussi à prendre dans toute sa diversité et Xavier Gens fait partie de cette galaxie de cinéastes qui contribuent à ouvrir les possibilités des films français vers des terrains qui moins explorés et éloignés de nos valeurs sûres comme le drame social ou la comédie. Farang nous fait démarrer l’été sur les chapeaux de roue, alors sortez votre plus belle chemise à fleurs et n’oubliez que les cocktails sont aussi des armes létales.

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