Passages : Triangle amoureux, triangle ennuyeux

Présenté en ouverture du Champs-Elysées Film Festival, festival qui dès sa première année fut honoré par la présence d’Ira Sachs, Passages est le nouveau film du cinéaste américain qui est venu en toute logique accompagner sa dernière création pour son avant-première parisienne. Et il faut bien vous avouer ici une chose : peu friands du cinéma d’Ira Sachs à la base, nous nous sommes laissé tenter par le film parce qu’il ouvrait le festival mais aussi parce que Adèle Exarchopoulos figure à son casting et qu’elle est devenue pour nous une actrice incontournable dont nous surveillons attentivement tous les projets. Mais ce n’est pas pour autant que Passages nous a convaincus…

Le film raconte en apparence une histoire simple comme le cinéma en raffole depuis sa naissance, celle d’un triangle amoureux. Réalisateur marié à Martin, Tomas couche un jour avec Agathe et tombe sous son charme. Dès lors, il ne sait plus trop ce qu’il doit faire et tente de ménager une existence avec les deux sans forcément prendre en compte leurs sentiments… Si l’on reconnaîtra volontiers à Ira Sachs la volonté de s’éloigner très vite des clichés, sa variation sur cette éternelle thématique se teinte d’une amertume dont il est difficile de se défaire et à laquelle on ne peut se rattacher. Pire encore, le personnage de Tomas est totalement antipathique et égoïste alors qu’il est au cœur du récit. Vivotant au gré de ses désirs, ne sachant jamais réellement ce qu’il veut, manipulant ses proches, Tomas est une personne que le film choisit de ne pas vraiment explorer et il est donc impossible pour nous de ressentir la moindre empathie pour lui. Difficile dès lors de réellement s’intéresser au récit quand tout ce qu’il nous fait suivre sont les atermoiements d’un type peu sympathique dont on se demande pourquoi les autres personnages tombent amoureux de lui.

Coincé par cette problématique et semblant n’avoir pas grand-chose à raconter (on se demande encore ce qu’a voulu dire Ira Sachs même si on lui concède quelques belles séquences et une direction d’acteurs maîtrisée), Passages devient rapidement pénible. On se raccroche alors au casting. Si Franz Rogowski campe un personnage insupportable, l’acteur lui donne beaucoup sans que cela ne parvienne tout de même à nous le rendre sympathique. Restent le trop rare Ben Whishaw, parfait en mari délaissé souffrant en silence et Adèle Exarchopoulos, touchante en femme propulsée dans une histoire qui la dépasse. Ils sont les seuls à nous sauver d’un ennui profond et la très belle dernière séquence qu’ils partagent ensemble pourrait presque justifier le calvaire enduré par le visionnage. On pourra arguer que Sachs parvient à croquer des personnages réalistes en leur esquissant des sentiments complexes, maniant d’ailleurs bien l’art de l’ellipse pour nourrir les couches de son récit. Certes, mais en le faisant au détriment de l’émotion du spectateur, obligé de se coltiner pendant 1h30 un personnage qu’il a envie de frapper. C’est vraiment la dernière fois qu’on se laissera avoir par le cinéma d’Ira Sachs…

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