Willard : A bon chat, bon rat

S’il y a bien un rendez-vous immanquable dans notre quotidien, c’est la séance Shadowz hebdomadaire. Véritable vivier qui n’a de cesse d’étancher notre soif de curiosités. Que ce soit des coups de cœur inattendus comme La Reine de la Magie Noire la semaine dernière ou encore l’opportunité d’enfin découvrir des incontournables comme Faux-Semblants il y a quelques semaines, cette séance est devenue chère et précieuse à nos yeux. Une fois encore, cette semaine, nous ne dérogeons pas à la règle et nous avons enfin pu découvrir une œuvre que l’on nous a recommandé à maintes reprises. Nous avions déjà eu l’occasion de voir son remake de 2003 avec Crispin Glover et nous l’avions trouvé plutôt bon, mais il nous est difficile de vous cacher combien nous étions heureux de voir enfin débarquer Willard, le film original, sur Shadowz, accompagné de sa suite, Ben, que nous allons nous empresser de découvrir dès que nous aurons bouclé cet article.

Willard Stiles est un jeune homme solitaire incapable d’avoir des relations normales avec les autres personnes, particulièrement avec sa mère âgée et infirme ainsi qu’avec son patron, Al Martin, qui a volé l’entreprise à son père quelques années auparavant. Au bureau, il se fait constamment harceler et critiquer par M. Martin, qui finit par engager une secrétaire, Joan Simms, pour l’aider et surtout le surveiller. A la maison, sa mère est toujours sur son dos, lui demandant en permanence ce qu’il est en train de faire. Un jour, elle lui commande de tuer les rats qui semblent s’être établis dans le jardin. Au moment où il s’apprête à les noyer dans la fontaine, Willard arrête le processus et tente de communiquer avec eux. Bientôt, ils deviennent ses compagnons qu’il dresse et installe dans la cave de la maison. Son rat préféré est un albinos qu’il prénomme Socrate. Il l’emmène même jusque dans sa chambre, mais il y a également l’énorme Ben qui s’incruste partout et lui désobéit souvent.

Première incursion dans le cinéma fantastique du réalisateur Daniel Mann (La Vénus au Vison, Notre Homme Flint), Willard est l’adaptation du roman de Stephen Gilbert, Ratman’s Notebook. Réalisateur possédant une formation d’art dramatique, il s’est fait remarquer dès son premier long métrage, Reviens Petite Sheba, adaptation de la pièce éponyme de William Inge, qui valut à son actrice principale, Shirley Booth, le prix d’interprétation féminine à Cannes en 1953 et l’Oscar de la meilleure actrice la même année. Entrée fulgurante pour Mann dans le monde du cinéma, les succès public et critique de son premier film ont mis en évidence son sens de la mise en scène et sa manière de rythmer ses dialogues. La suite de sa carrière sera auréolée de succès plus ou moins fulgurants sans jamais qu’il ne perde de sa superbe. Willard est l’un de ses derniers films pour le cinéma (il terminera sa carrière à la télévision). Le film met en vedette Bruce Davison dans l’un de ses premiers grands rôles et lui permet de partager l’affiche avec Elsa « La Fiancée de Frankenstein » Lanchester et Ernest Borgnine qui s’amuse comme un petit fou à jouer les patrons tyranniques. La force du film réside en l’imposante présence d’une centaine de rongeurs véritables au sein du plateau. Bruce Davison compose un personnage complexe et parvient à nous prendre en empathie avec lui par le biais de tunnels de dialogues qu’il entreprend avec ses compagnons poilus. Très vite, les rats font transparaître tant la rage que la tristesse que le personnage de Willard ne parvient pas à exprimer. Tiraillé entre un patron machiavélique et une mère acariâtre, on comprend rapidement que Willard est pris au piège, et dans tous les sens du terme. Il n’a aucun échappatoire, il ne peut s’affirmer en tant qu’être humain, il ne peut prétendre à un quelconque bonheur, il s’octroie à peine le droit de respirer. Le faire devenir compagnon d’une meute de rats n’est pas anodin. Par définition, le rat est assez mal connoté en société. Pour le tout venant, le rat est porteur de maladies, de destruction et de chaos. La force du film est de ne pas stigmatiser les rongeurs, mais plutôt de les rendre attachant afin de mieux nous dérouter au moment où l’histoire bascule.

En effet, le film est à mettre en étroite relation avec le mythe de Éros et Thanatos. Éros, dieu de l’amour dans l’Antiquité grecque et Thanatos, dieu de la mort, sont personnifiés par Socrate et Ben. Socrate va permettre à Willard de croire en lui, de prendre goût à la vie et de s’affirmer, là où Ben représente la mort qui rode et entend bien frapper au moment le plus opportun. Au-delà des métaphores recherchées, Willard, au premier degré, démontre surtout une bienveillance animale qui rend le film diablement original. Le film traite les rongeurs comme des acteurs à part entière. Daniel Mann a cet éclair de génie de nous donner envie d’être ami avec un rat. En soit, Willard n’est pas tant un film fantastique qu’une immense tragédie en réalité. Si l’on prend le temps d’analyser un tant soit peu, il s’agit d’une amitié indéfectible entre un homme renfermé et humilié et son animal de compagnie, aussi original soit-il. La relation entre Willard et Socrate est époustouflante de sincérité. Bruce Davison fait sortir l’enfant qui sommeille en lui et rend cette insouciance enfantine si pure et unique qu’on ressent chacune de ses émotions avec une puissance inouïe. Et c’est là que le talent de metteur en scène de Mann prend tout son sens : il comprend l’art du tragique mieux que quiconque.

/!\ Nous allons devoir vous révéler un des tournants du film, si d’aventure vous ne souhaitez pas être spoilé, nous vous conseillons d’arrêter votre lecture et d’aller voir le film sur Shadowz /!\

Lorsque Socrate est sauvagement assassiné par M. Martin sous les yeux impuissants de Willard, Mann dénonce autant une forme de maltraitance animale que la perte d’un être cher. Non content d’envoyer une scène d’une violence indéniable, Mann parvient à nous entourlouper sur les intentions de Ben. De prime abord, nous pensons que Ben va chercher à aider Willard à se venger, ce qu’il fera, mais c’est sans compter sur sa véritable motivation. Lorsque survient le dernier acte du film, tout prend sens. Ben n’est autre qu’une entité qui synthétise tous les détracteurs qui malmènent Willard. Possessif comme sa mère et agressif comme son patron, Ben représente l’ensemble des problèmes qui pèsent depuis toujours sur Willard. Lorsque l’on met en corrélation Socrate et Ben, on se rend compte que Willard est voué à destruction quoi qu’il entreprenne. Socrate est l’espérance, la vie rêvée du héros, la délivrance tant espérée. Ben est l’inévitable mort annoncée, le porteur de tous les malheurs de son maître. Oui, Willard est un drame avec un vrai sens de la tragédie avant tout. Et pour toutes ces belles choses, le film mérite toute votre attention.

Willard est une belle surprise. Un film porteur de messages qui n’ont pas pris une ride et habité par un casting impliqué en tout point. Daniel Mann délivre un film diablement réussi grâce à ses bagages issus d’une formation classique qu’il fait transparaître merveilleusement. Une fois encore, Shadowz nous épate par sa ligne éditoriale qualitative et nous convainc qu’elle est LA plateforme incontournable pour quiconque aime le cinéma de genre.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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