
En pleine phase de transition avant que tout ne soit rebooté en 2025 sous la houlette de James Gunn et Peter Safran, l’univers DC au cinéma traverse une période compliquée, clairement sous respirateur artificiel. D’une part, on se demande s’il ne vaudrait pas mieux l’achever pour ne plus jamais en entendre parler, d’autre part on aimerait vraiment bien repartir sur des bases saines et oublier le trauma vécu par l’abandon du SnyderVerse qui, malgré ses défauts, avait cependant une vision claire manquant à tous les films ayant suivi l’échec de Justice League. Coincé dans l’enfer des développements multiples depuis des années, annoncé originellement pour une sortie en 2018, ayant connu autant de scénaristes que de réalisateurs ainsi que de sacrés déboires en comptant les démêlés judiciaires d’Ezra Miller, The Flash arrive donc (ironie pour le personnage) avec un sacré train de retard mais la nature de son récit, vaguement inspiré du comics Flashpoint lui donnait toutes les cartes en main pour être à la fois une conclusion épique à l’univers DC que l’on connaît et le point de départ parfait pour rebooter tout ça. Calmez cependant vos ardeurs chers lecteurs car autant le dire tout de suite, The Flash est mauvais de bout en bout.

L’histoire est pourtant truffée de potentiel : découvrant qu’il peut remonter le temps grâce à ses pouvoirs, Barry Allen décide d’empêcher l’assassinat de sa mère pour lequel son père a été injustement condamné. Mais comme Bruce Wayne (Ben Affleck de retour dans le rôle et visiblement fatigué d’être là) l’a prévenu, il est dangereux de jouer avec le temps. Barry se retrouve donc face à lui-même plus jeune dans un univers où sa mère est bel et bien vivante. Malheureusement ce même univers se voit menacé par l’arrivée du général Zod (Michael Shannon de retour également, uniquement parce que Zack Snyder lui a donné sa bénédiction, l’acteur passant depuis plus de temps en promo à défendre Man of steel et à dézinguer les blockbusters récents). Barry n’a donc pas d’autre choix que de réunir la Justice League et retrouver Batman et Superman. Mais le Batman de cet univers n’est pas le sien (il s’agit de Michael Keaton, clairement venu toucher son chèque) et c’est Kara Zor-El qui est Supergirl…
Il est amusant de constater que le film exploite le même sujet qu’un autre film de super-héros sorti récemment, le génial Spider-Man : Across the Spider-Verse. Dans les deux cas, on parle de multivers. Et pourtant les deux films se situent à des extrêmes totalement différents. Là où l’un choisit l’inventivité visuelle pour coller à son propos et offre un récit aussi dense que cohérent sans jamais sacrifier ses personnages sur l’autel du spectacle, l’autre ne fait rien. The Flash est un encéphalogramme absolument plat durant sa longue durée (2h23 au compteur tout de même), à la fois incapable de proposer un récit dense et complet (quand bien même son idée de départ est intéressante et permet d’offrir au personnage une certaine épaisseur) et à défaut, incapable d’être un divertissement généreux et spectaculaire.

Soulignons d’ailleurs à quel point il est honteux, en 2023, de voir des blockbusters produits pour plus de 200 millions de dollars afficher des effets visuels aussi laids. Déjà entre Ant-Man 3 et Indiana Jones 5 cette année, on pensait tenir de sacrés concurrents pour la palme des effets spéciaux les plus laids mais ceux de The Flash atteignent des proportions incroyables, de nombreuses séquences donnant l’impression de sortir tout droit d’un jeu vidéo datant du début des années 2000 et de fait, nous sortant complètement du film (on rit alors qu’on doit être ému) tant ils détonnent et sont impossibles à ne pas remarquer. Comment peut-on prendre à ce point les spectateurs pour des jambons ? C’est une question à laquelle nous n’avons malheureusement pas de réponse (car nous ne sommes pas convaincus par l’excuse d’Andy Muschietti, arguant que les effets spéciaux étaient bizarres car « »vus à travers la perspective de Flash », qui sent le prétexte bidon de dernière minute pour sauver les meubles) mais qui nous met dans une colère noire.
Une colère également dirigée vers l’incapacité des scénaristes et du réalisateur (Andy Muschietti qui au fil de sa carrière a visiblement décidé de devenir un cinéaste médiocre) à oser proposer quelque chose d’innovant et d’audacieux. Le multivers se résume finalement à un autre Batman, à Supergirl et à un combat contre Zod dans un désert tout moche. Ezra Miller a beau faire ce qu’il peut dans la peau de Barry Allen (triste nouvelle quand le meilleur atout de ton film est ton acteur principal aux démêlés judiciaires qui ne l’empêchent étonnamment pas d’assister à l’avant-première du film en toute tranquillité) pour le rendre attachant, son énergie est sans cesse dirigée vers le vide. C’est encore plus triste pour le Batman de Keaton qui reprend son rôle 31 ans après Batman, le défi pour n’avoir absolument rien à jouer si ce n’est imposer son charisme dans un rôle écrit avec les pieds. Aucune réflexion n’est faite sur le développement du personnage, aucun enjeu ne lui est propre, il est juste là pour faire coucou mais a au moins plus de répliques que la Supergirl de Sasha Calle qui fait finalement office de figurante dans un film ayant décidément eu envie d’étouffer son spectateur devant tant de médiocrité.

On aimerait pourtant bien avoir quelque chose à sauver de l’ensemble mais même les scènes de vitesse de Flash, pourtant les plus susceptibles d’être inventives sur le plan formel, n’arrivent pas à faire oublier qu’en dix minutes cumulées, Bryan Singer avait fait mieux dans ses X-Men avec le personnage de Quicksilver. Reste donc la sensation d’un immense gâchis qui donne envie que l’univers DC finisse comme Aquaman dans la scène post-générique du film (qui n’apporte rien, donc on se permet de spoiler) : la tête dans une flaque d’eau, vautré sur le trottoir et nous n’avons plus qu’à prier pour qu’il ne s’en relève jamais, avec ce que le film nous inflige, c’est tout ce qu’il mérite.
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