
Réalisatrice s’étant bâtie une solide carrière à la télévision (on compte Engrenages, Kaboul Kitchen ou encore Les rivières pourpres à son CV), Virginie Sauveur passe le cap du premier long métrage avec Magnificat qui bénéficie d’un synopsis pour le moins intriguant, basé sur le roman Des femmes en noir écrit par Anne-Isabelle Lacassagne. En effet, le film commence alors qu’un prêtre vient de décéder et que l’on découvre que c’était en fait une femme ! Chancelière de l’évêché, Charlotte est chargée de mener l’enquête avec discrétion afin de comprendre comment une chose pareille a pu arriver et le tout sans éveiller les soupçons pour éviter le scandale…

Il y a deux récits distincts dans Magnificat, les deux interrogeant la question de la foi et soulevant des problématiques intéressantes de l’Église catholique actuelle. Comment, en 2023, peut-on encore interdire aux femmes d’exercer la fonction de prêtre au sein d’une institution désespérément en besoin de nouveau souffle ? Il ne s’agit après tout que d’une question de foi et ceux qui ressentent l’appel de leur Dieu devraient pouvoir embrasser cette vocation sans contraintes. Le problème des deux récits menés par Magnificat (l’un sur l’enquête de Charlotte, l’autre centré sur Charlotte qui refuse obstinément de révéler à son fils l’identité de son père) c’est que jamais ils ne forment un tout parfaitement homogène. Nous sommes pourtant très friands des films d’enquête dans lesquels l’enquête menée par le protagoniste trouve un écho dans sa vie privée mais ici les deux sont traités à part et surtout de façon assez malhabile, le récit oubliant carrément l’enquête le temps d’un bon tiers du film pour uniquement se concentrer sur la relation entre Charlotte et son fils (le secret de Charlotte étant d’ailleurs un ajout des scénaristes).
La frustration est donc de mise alors que la partie la plus intéressante de Magnificat concerne clairement tout ce qui entoure cette femme et comment elle a pu abuser l’Église pendant des années en étant un prêtre exemplaire dont le secret n’a jamais été percé. C’est là, dans ces questionnements de foi, que Magnificat aurait pu trouver la grâce s’il n’était pas allé s’éparpiller ailleurs. Le sentiment d’inachevé est donc prégnant durant une bonne partie du film quand bien même celui-ci tâche de montrer l’Église catholique sous un jour différent, évitant les clichés du genre avec un évêque grincheux et préoccupé par des questions très humaines (François Berléand, forcément idoine dans un tel registre) et surtout d’ouvrir à des questions universelles concernant la foi et l’apprentissage de la vie à mesure que l’on avance, le film comportant cette très belle phrase : ‘’le chemin vers soi-même est toujours le plus douloureux’’ à la justesse frappant en plein cœur.

Dommage dès lors qu’avec un sujet aussi fort, Virginie Sauveur en fasse un peu trop sur la réalisation. On ne pourra pas lui en vouloir d’avoir une vraie proposition très cinématographique mais on trouvera plus discutable la façon un brin maladroite qu’elle a de mettre en scène les moments d’émotions en accumulant les clichés (gros plans sur des détails très ‘’malickiens’’, musique pompeuse…). Le film aurait mérité plus de simplicité, en accord avec son sujet et avec la prestation tout en retenue d’une Karin Viard décidément impeccable quels que soient les rôles qu’elle incarne. Magnificat n’en demeure pas moins plaisant, abordant une question rarement vue au cinéma et plaidant avec ferveur pour une ouverture et une évolution de l’Église, plus nécessaire que jamais dans un monde dont elle paraît beaucoup trop détachée.
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