Lynch / Oz : Le magicien derrière le rideau

Depuis la découverte de 78/52 lors d’une mâtinée enneigée au festival de Gérardmer, nous suivons assidument la carrière de Alexandre O. Philippe qui n’a de cesse de réaliser des documentaires cinéphiles pointus sur des grands films et grands cinéastes en y apportant chaque fois un nouvel angle d’attaque ou d’analyse. 78/52 s’intéressait uniquement à la célèbre scène de la douche de Psychose quand Leap of Faith s’imposait comme le documentaire indispensable sur L’Exorciste. Avec Lynch / Oz, O. Philippe trouve un nouvel angle d’approche surprenant, mettant en parallèle Le Magicien d’Oz avec toute la filmographie de David Lynch.

Qui connaît bien David Lynch et son œuvre sait parfaitement que Le Magicien d’Oz est son film matriciel, le cinéaste ayant souvent déclaré qu’il ne se passait pas un jour sans qu’il ne pense au film de Victor Fleming. À partir de là, Lynch / Oz va s’interroger sur les points communs entre Le Magicien d’Oz et tous les films de Lynch, que ce soit à travers des récurrences formelles (le même goût des rideaux, des souliers rouges, de la comédie musicale, de l’artifice et de ce subtil mélange entre réalité et inconscient) ou des analyses plus pointues sur le plan du fond et ce qu’elles racontent du cinéma de David Lynch et de sa façon de travailler, lui qui a toujours refusé d’expliquer le moindre de ses films.

La grande force de Lynch / Oz c’est de se découper en six chapitres distincts, chacun laissant la parole à un intervenant différent (Amy Nicholson, Rodney Ascher, John Waters, David Lowery, Karyn Kusama, Justin Benson et Aaron Moorhead). Le but n’étant pas d’avoir une longue réflexion analytique poussée à travers le film mais au contraire de laisser chaque intervenant s’exprimer sur son ressenti du cinéma de David Lynch et de ce que l’influence du Magicien d’Oz signifie pour eux dans sa carrière. Alexandre O. Philippe ne leur laisse que la parole et ne les fait jamais apparaître à l’image, préférant composer son film d’une multitude d’extraits pour mieux illustrer son propos et l’appuyer à travers des images à l’éloquence remarquable. Le film de Victor Fleming irrigue en effet toute l’œuvre de David Lynch, de ses débuts à sa dernière création en date, l’unique et déroutante troisième saison de Twin Peaks (dont nous ne sommes toujours pas remis).

L’occasion de se rappeler combien une unique œuvre d’art peut amener à la création d’une multitude d’autres. Et si les analyses pointues sont à réserver aux cinéphiles et établissent des idées avec lesquelles nous ne sommes pas forcément d’accord, force est de reconnaître toute la puissance de la filmographie de David Lynch quand on peut analyser la plupart de ses films dans tous les sens sans jamais en épuiser les mystères (et c’est pour cela que Mulholland Drive est l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma, osons le dire). Les connexions dressées avec Le Magicien d’Oz ne font que renforcer cette impression de richesse que l’on constate à chacun des chapitres du film puisque chaque intervenant entretient un rapport différent au cinéma de David Lynch et donc projette dessus une vision tout à fait personnelle quoique potentiellement universelle.

De ces visions ressortent toujours cet étrange mélange entre douceur, onirisme et terrible noirceur dont Lynch a le secret et qu’il tire également du Magicien d’Oz puisque dans son monde la bonté et la gentillesse ne peuvent exister sans la violence et la noirceur et que ses personnages, souvent naïfs, découvrent derrière le rideau une réalité dont ils ressortiront changés à jamais. Se plonger dans ce documentaire, dans Oz et dans les films de David Lynch, c’est accepter de voir ce qui se trame derrière le rideau. Et si l’expérience peut être confuse et déconcertante, elle est également merveilleuse, O. Philippe réussissant une nouvelle fois à nous dire des choses que nous ne savions pas sur une filmographie pourtant explorée et commentée à de nombreuses reprises !

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