Huesera : La pression sociale comme horreur du quotidien

On ne se le répétera jamais assez, mais le film d’horreur est probablement le meilleur des cinémas pour aborder des thèmes sociétaux forts et percutants. Inclure une dimension fantastique au sein d’un contexte social poignant fait, généralement, un très bon film d’horreur…ou du moins un essai intéressant. C’est justement dans cette optique que la réalisatrice mexicaine Michelle Garza Cervera s’est projetée afin de mener à bien son premier long métrage. Huesera est de ces films d’horreur qui viennent vous asséner un uppercut sévère à l’estomac. Non pas parce qu’il renferme des images insoutenables graphiquement, mais surtout parce qu’il est porté par un sujet fort et qui triture les tripes au plus profond. Pour un premier essai, Huesera est un film qui n’est pas exempt de défauts, mais qui renferme un grand nombre de belles choses qu’il serait dommage de passer à côté. Attention toutefois, cette nouvelle exclusivité Shadowz est à réserver aux spectateurs, et particulièrement aux spectatrices, qui ne sont pas en proie à de quelconques angoisses liées à la parentalité.

Valeria réalise enfin le rêve de son couple : devenir mère. La grossesse ne se déroule pas du tout comme prévu. Elle perd du poids, sent et entend ses os craquer sans raison, sans parler des hallucinations qui la poursuivent en tout lieu.

Le thème de la parentalité a souvent été un puits généreux dans lequel bon nombre de cinéastes ont puisé multiples thématiques afin de nourrir leurs films. Parmi les œuvres les plus notables, nous pensons inévitablement à Rosemary’s Baby ou encore Eraserhead, mais en ce qui concerne Huesera, il y a un fond en sous-texte que nous n’avons, à notre connaissance, jamais vu. Sous couvert d’une incursion du fantastique, le film de Michelle Garza Cervera aborde la sérieuse question de la pression sociale. Cette pression qui pèse sur toutes les femmes que le tout venant cherche bien souvent à renfermer dans un moule qui ne leur convient pas à toutes. Aux yeux des esprits les plus étriqués, une femme doit enfanter et élever une famille au détriment de sa personne et de ses ambitions. C’est justement à partir de ce constat effarant que la réalisatrice choisit de construire ses propos au cœur de son film. Valeria, en apparence, mène une vie bien rangée aux côtés d’un homme qu’elle semble aimer. Lorsqu’elle parvient à tomber enceinte, elle croit vivre le plus grand des bonheurs. Mais nous découvrirons rapidement que Valeria subit moult pressions afin de correspondre à ce que la société attend d’elle plutôt que de penser à ce qui l’épanouit réellement. Elle refuse d’écouter son cœur, se cache derrière de longs silences lorsque sa famille la rabaisse et refuse d’affronter une inévitable dépression post-partum qui risque de la mener à sa perte. Ainsi, l’horreur qui s’abat sur son quotidien surgit dès lors qu’elle doit se confronter à une nouvelle étape de sa grossesse. Son corps réagit violemment aux attaques qu’elles reçoit. Et en matière de body horror, Huesera parvient à faire frémir avec une certaine élégance. Nous sommes loin des transformations physiques traumatiques à la sauce Cronenberg. Au contraire, Huesera est à l’image de sa réalisation : sobre et incisif. Ce qui inconforte et dérange provient du travail minutieux sur le son. Rarement des craquements d’os auront fait autant grincer des dents : Huesera possède tous les atouts pour rendre misophone n’importe lequel de ses spectateurs.

Si le fond est proprement fascinant, Huesera tient aussi fortement grâce à la solide implication de Natalia Solian. L’actrice porte le projet à bout de bras. Elle habite la totalité des séquences par une présence et une force qui sont inéluctables. Qu’il s’agisse de nous transmettre ses doutes, ses angoisses ou ses (rares) moments de bonheur, l’actrice délivre une prestation extraordinaire. Nul besoin de mettre des mots sur ses maux, la superbe réalisation parle pour elle. Huesera témoigne d’une connexion hors normes entre sa réalisatrice et son actrice vedette. Le duo fonctionne à merveille. On ressent parfaitement la confiance entre les deux femmes, si bien que Michelle Garza Cervera semble sublimer chacune des émotions de Natalia Solian avec une facilité déconcertante. Mention spéciale pour une scène d’amour entre deux femmes filmée avec une douceur et une élégance à tomber par terre. Le choix des cadres et l’abandon des deux actrices offrent une des plus belles scènes d’amour que nous n’ayons vu depuis des lustres. On regrettera, toutefois, un épilogue qui prend un parti pris radical. D’un côté, celui-ci nous permet de nous immerger au cœur d’un folklore mexicain que, nous, occidentaux, ne connaissons pas forcément. Et c’est plutôt un atout que de nous ouvrir à d’autres cultures et croyances, ceci permettant une plongée dans un fantastique atypique. D’un autre côté, nous déplorons que le film ait fait ce choix afin de conclure l’arc narratif de son héroïne. Huesera ressent le besoin d’offrir une signification tangible au mal qui ronge Valeria et ce n’était pas nécessaire à nos yeux. Le fond du sujet est suffisamment fort et est abordé avec un réel aplomb qu’il est fort dommage que la réalisatrice cède à ce que n’importe quel film fantastique lambda aurait choisit pour conclure son histoire. Mettons cela sur une certaine maladresse inhérente à un premier long métrage.

Huesera est une jolie découverte. Michelle Garza Cervera prend à bras le corps un sujet difficile et délivre son constat avec un jusqu’au boutisme assumé et assuré. L’ensemble du casting est impressionnant de justesse et particulièrement Natalia Solian qui porte admirablement le projet à elle-seule.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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