Renfield : Le valet vole la vedette

Il a atteint le rang d’icône pop-culturelle, a mordu les lecteurs et les spectateurs du monde entier, a été le héros de multiples adaptations cinématographiques et télévisuelles… Il est séduisant, sombre, gothique, charismatique… Il s’agit bien sûr du Comte Dracula, le Roumain le plus célèbre de l’Histoire. Dans son remarquable palmarès, on compte quelques chefs-d’œuvre majeurs du cinéma comme Nosferatu (F.W. Murnau, 1922), Dracula (Tod Browning, 1931) et la version éponyme de Francis Ford Coppola, sortie en 1992. Netflix va aussi exploiter  le mythe du vampire en 2020 dans la trilogie très réussie Dracula avec Claes Bang (premier rôle dans The Square) dans la peau du vampire. Cette année, c’est au tour du réalisateur Chris McKay de reprendre le flambeau en s’intéressant au personnage de… Renfield. En effet, le studio Universal nous propose une comédie d’action reléguant Dracula au rôle secondaire pour se concentrer sur Renfield, son pauvre valet.

Voilà plusieurs décennies que le timide Renfield (Nicolas Hoult) est l’esclave de Dracula (Nicolas Cage qui s’amuse comme un petit fou dans ce rôle), contraint de lui trouver des victimes innocentes pour assouvir son insatiable soif de sang. Le duo a réussi à maintenir cet équilibre malsain jusqu’à nos jours, multipliant les victimes d’un continent à l’autre. Fraîchement arrivé à la Nouvelle Orléans, Renfield est témoin d’un acte de bravoure de la part de la policière Rebecca Quincy (Awkwafina), qui refuse de se laisser impressionner ou corrompre par la mafia locale. Face à cette démonstration de courage, Renfield décide de reprendre son destin en main et de s’émanciper une bonne fois pour toutes de l’oppression de son monstrueux patron. Renfield est un film comparable au Violent Night de Tommy Wirkola, sorti l’hiver dernier. Il s’agit d’une réécriture sous forme de blockbuster d’un mythe que les spectateurs connaissent par coeur. Cette fois-ci on déplace l’action et l’intérêt sur ce personnage jusqu’ici secondaire pour en faire le protagoniste, recette déjà employée dans de précédentes réécritures (le cas par exemple du film d’animation Merlin l’Enchanteur, produit par Disney en 1963).

Du côté de l’action, le film développe une astuce scénaristique originale et ludique pour légitimer les capacités surhumaines de Renfield et lui permettre de livrer des combats sanglants dignes d’un John Wick. Chaque fois que le valet veut solliciter les pouvoirs que Dracula lui a offerts, il doit d’abord manger un insecte. Cet élément est inspiré du véritable personnage déjà présent dans l’œuvre originale de Bram Stoker, ayant la fâcheuse manie de se nourrir de cafards et de mouches. Il s’agit là d’un gag récurrent et intelligent qui permet de maintenir l’adhésion du spectateur devant un personnage a priori faible qui arrive à tenir tête à une armée de gangsters et de forces d’élites rompues au combat rapproché. Les scènes d’action sont très bien chorégraphiées et mises en scène, entretenant cette dimension légère et ludique propre au personnage principal, sans tomber dans le gore gratuit. L’autre atout du film est l’habile mélange de l’héritage d’épouvante porté par Dracula et une intrigue secondaire prenant racine dans une affaire de mafia et de police corrompue. Renfield, en bon anti-héros honnête mais maladroit, va se retrouver malgré lui impliqué dans cette enquête en plus d’avoir à se libérer de l’emprise de son maître.

Le film ne cherche jamais à aller au-delà de ce pourquoi il a été écrit et réalisé, à savoir un bon divertissement. Néanmoins, il survole quelques sujets qui viennent ajouter une épaisseur intéressante à son histoire et ses personnages. Renfield va notamment participer à des réunions thérapeutiques abordant le problème de la dépendance affective et l’emprise psychologique. Grâce à l’évocation d’un thème sérieux, nous adhérons aux motivations du personnage et prenons facilement son parti. Impossible de ne pas mentionner Nicolas Cage, déjà connu pour son jeu singulier et se caricaturant volontairement parfois. Il campe un Dracula éminemment mégalomane, loin d’être ridicule, sans se départir d’un certain humour qui fait sa recette si prisée au cinéma et sur internet.

Ce blockbuster est un vent de fraîcheur sur le mythe du vampire Transylvanien, l’exercice de la réécriture étant ici très efficace lorsqu’il s’agit de remettre des classiques au goût du jour. Tout comme on continue de jouer des pièces de Molière ou de Shakespeare au théâtre, certains récits tels que Dracula font également parti d’un certain  répertoire classique du cinéma. L’immense influence culturelle du roman de Bram Stoker lui donne cette liberté d’adaptation et cette longévité, sans pour autant le piéger dans une suite de remakes identiques. Chris McKay va même rendre hommage dans une courte séquence à l’héritage cinématographique des films d’épouvante des années 1930, une ultime déclaration d’amour au cinéma de genre qui constitue la béchamel de ce film à grand spectacle. Après Van Helsing et Jonathan Harker, deux autres personnages du roman, c’est Renfield qui a enfin droit à son propre film. Alors prenez bien soin de vos employés, il se pourrait qu’ils soient d’humeur… sanguine.

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