Omar la Fraise :  »Celui qui veut du poisson doit se mouiller les fesses »

Présenté à Cannes en séance de minuit, Omar la Fraise est un film avec de nombreuses qualités à commencer par cette idée géniale de réunir Reda Kateb et Benoît Magimel à l’écran, les acteurs formant, dès la première séquence du film avec dialogues sous la haute influence de Pulp Fiction, un inénarrable duo de cinéma. Kateb y incarne en toute décontraction Omar, bandit français réfugié à Alger pour éviter une peine de prison qui vient de tomber et Magimel est Roger, son meilleur ami qui décide de rester également à Alger pour épauler Omar dans sa nouvelle vie, une vie honnête à laquelle il a bien du mal à s’habituer… 

Évidemment ce duo de cinéma est magique mais il l’est parce que le film est parfaitement construit autour d’eux. Pour son premier long métrage, Élias Belkeddar signe une comédie ensoleillée qui ne manque pas de piquant, scrutant ses deux voyous (qui se pensent plus grands qu’ils ne le sont mais qui sont, par la même occasion, forcément attachants) avec autant de tendresse que de lucidité. Losers magnifiques déracinés et cherchant leur place dans un nouveau pays impliquant de nouvelles règles (et là-dessus le film évite tout effet carte postale, nous montrant Alger sous toutes ses coutures), Omar et Roger se demandent ce qui peut bien les attendre pour cette seconde vie qu’ils entament.

Doté d’un sens esthétique parfaitement travaillé allié à des dialogues hilarants, Omar la Fraise surprend également par sa capacité à émouvoir quand il se penche sur le spleen éprouvé par Omar, se sachant condamné à ne jamais revenir en France. Cet exil forcé permet à Élias Belkeddar de scruter en profondeur ses personnages en allant chercher les fêlures derrière leur apparent look de durs à cuire que rien ne touche. Il faudra pourtant que Omar se rapproche de la jolie Samia et explique la véritable origine de son surnom (jusque-là sujet à bien des extrapolations) pour que le gangster se dévoile comme quelqu’un bien plus sensible qu’il ne le laisse paraître.

C’est là une autre force du film : ne pas se reposer uniquement sur des personnages et dialogues hauts en couleur mais toujours chercher plus loin que la simple comédie (au demeurant savoureuse) pour croquer ses personnages avec justesse. Acteur trop rare et toujours formidable, Reda Kateb embrasse le rôle d’Omar avec une gourmandise évidente, traînant ses claquettes et son peignoir au bord d’une piscine désespérément vide quand Magimel, décidément partout ces derniers temps, s’amuse également à jouer avec son image, incarnant un Roger mi-paternaliste mi-taquin. Et si les longueurs inévitables au premier film se font parfois sentir, la présence magnétique des acteurs, ravis de faire partie de l’aventure (et qu’on espère retrouver rapidement réunis) font du long métrage de Belkeddar une perle rare qui reste en tête, de quoi souhaiter le meilleur au cinéaste pour la suite.

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