Indiana Jones et le cadran de la destinée : Sa place est dans un musée

C’était, avec le nouveau Martin Scorsese, le film le plus attendu de Cannes 2023 dans le sens où il s’agissait d’un grand événement cinéphile, capable de rassembler la majorité du public autour d’un personnage mythique avec lequel chaque génération d’enfants depuis les années 80 a grandi. Il nous aura fallu nous faufiler ce matin à une projection aux aurores pour découvrir avec enthousiasme ce fameux Indiana Jones et le cadran de la destinée, cinquième opus d’une saga nous ayant laissé en 2008 sur une note amère. La gageure était de taille et James Mangold semblait le choix approprié pour chapeauter l’aventure, lui qui a su investir avec talent différents registres tout en sachant proposer des idées fortes au sein du système hollywoodien (avec l’excellent Logan). Alors, à 80 ans, Indy a-t-il encore la pêche ?

La déception causée à la fin de la projection est à la hauteur de l’enthousiasme que l’on avait lors de son commencement. Attention cependant, Indiana Jones et le cadran de la destinée n’est pas un mauvais film en soi et contient même quelques bonnes idées (nous y reviendrons) mais il souffre de sa production générique hollywoodienne, reflétant désormais une façon de faire les films qui ne semble plus aller à l’aventurier. En effet, tout le production design est lisse quand la photographie est parfaitement laide et uniforme. Le film a été majoritairement tourné à grand renfort de fonds verts visibles comme le nez au milieu de la figure, donnant aux séquences où ils sont nombreux un aspect irréel et impalpable. Fini l’émerveillement propre au film d’aventure, puisque le monde d’Indy est devenu numérique et on sent à chaque instant combien la production s’est facilitée la vie. C’est là où l’on constate que la réussite d’un film tient aussi à l’époque durant laquelle il a été produit. Le charme des trois premiers films repose en effet sur cette touche très années 80 où les effets spéciaux sont encore faits à même le plateau et où les décors étaient construits, nécessitant donc un éclairage particulier que Douglas Slocombe avait assuré avec talent.

Ici la technologie sert l’ouverture du film, nous ramenant dans les années 40 et utilisant le procédé du de-aging pour rajeunir Harrison Ford de façon bluffante. L’ouverture et la conclusion du récit forment d’ailleurs les meilleures parties du film. L’une parce qu’elle est une excellente madeleine de Proust nous ramenant dans notre jeunesse en même temps qu’elle rajeunit Indy dans une scène d’action ferroviaire savoureuse. L’autre parce qu’elle constitue peut-être la meilleure idée de toute la saga, la plus audacieuse en tout cas, embrassant enfin toute la dimension pulp de cet univers sans avoir peur de carrément basculer dans un registre fantastique.

Le problème est donc situé au milieu du film. Si Harrison Ford assure le rôle avec toujours autant de panache (surtout que celui-ci a été écrit en prenant habilement le soin de prendre son âge en compte), tout ce qui tourne autour de lui est parfaitement générique et impersonnel. Le scénario n’est finalement qu’une succession de courses-poursuites sans âme dont le rythme trépidant ne cache jamais les facilités d’une mise en scène peu inspirée quand tous les personnages tournant autour d’Indy ne sont que des fonctions. Phoebe Waller-Bridge a beau jouer de son charme, son personnage n’est qu’une acolyte sans intérêt quand bien même ses traits de caractère sont plus modernes. Même chose pour Mads Mikkelsen, excellent acteur condamné à jouer les méchants de service à Hollywood, incarnant ici… un nazi (quelle surprise !) quand Antonio Banderas passe faire un coucou sans intérêt et qu’un agaçant gamin chapardeur est de la partie, pâle copie d’un Demi-Lune que l’on aurait pour le coup adoré retrouver.

Indiana Jones et le cadran de la destinée ne fait finalement que proposer une variation des précédentes aventures de notre archéologue préféré mais sans panache et sans oser proposer réellement un brin de nouveauté (on refait ce qui a déjà été fait mais en plus lisse pourrait être le mantra hollywoodien de ces dernières années). Le film a beau être généreux et objectivement parfaitement divertissant, il n’impose jamais de nouvelles idées et ne se permet qu’une audace bien trop tardive pour se sauver d’une certaine banalité. Venant du personnage, la déception a de quoi être grande mais est-ce vraiment étonnant de la part des mêmes producteurs qui ont industrialisé Star Wars ? Espérons en tout cas que ce cinquième opus soit réellement le dernier, certains vestiges du passé devant, comme Indy l’a répété assez souvent, rester dans un musée…

3 Rétroliens / Pings

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