
Par vocation, les films présentés en ouverture du festival de Cannes aiment faire parler d’eux. Nul doute que Thierry Frémeaux et son équipe aient offert ce privilège au nouveau film de Maïwenn par un certain intérêt pour le soufre tant le film fait parler de lui depuis son tournage où la réalisatrice et sa star américaine (choix restant au demeurant improbable pour incarner Louis XV) seraient fréquemment entrés en conflit. Si l’on ajoute à ça les réputations respectives de Maïwenn (aux propos douteux sur le harcèlement de rue, sur les féministes et assumant récemment son agression physique sur Edwy Plenel) et de Johnny Depp, sorti éreinté de ses procès avec Amber Heard et tricard à Hollywood, on se doute bien que Frémeaux savait que le film ferait parler de lui, quitte à ce que le festival envoie de nouveau un message douteux à ses détracteurs.

Mais le film en lui-même, que vaut-il ? Et bien s’il est moins pire que ce à quoi on s’attendait, il n’est pas une franche réussite pour autant. Maïwenn a beau composer de très beaux plans comme des tableaux sous la haute influence de Barry Lyndon et offrir des séquences dynamiques notamment dans les plans larges qu’elle fait sur Versailles, Jeanne du Barry n’en demeure pas moins un film relativement anecdotique. D’une part, parce que le récit n’est jamais à la hauteur de la forte thématique voulue (Jeanne utilisant ses charmes de femme pour s’offrir une position de pouvoir) et parce que Maïwenn elle-même semble trop omnibulée par son propre personnage sans avoir la force d’interprétation nécessaire à éviter que le projet global affiche une certaine tendance narcissique.
Il faudra étonnamment se tourner vers les seconds rôles (ceux exploités en tout cas) comme Benjamin Lavernhe et Pierre Richard (en contre-emploi qui lui va fort bien) pour que le film, au demeurant classique histoire d’ascension sociale, trouve un peu de profondeur. En cela, il faut reconnaître à Maïwenn l’audace d’avoir choisi Johnny Depp en Louis XV. Le choix est étrange mais fonctionne parfaitement, l’acteur incarnant un monarque lassé de toutes les cérémonies l’entourant, figure de cire réapprenant à vivre auprès de Jeanne et que Depp incarne avec une forme de résilience tranquille, laissant de côté le cabotinage de ces dernières années pour une sobriété bienvenue, certainement en partie due à la contrainte de tourner en français.

Si l’on excepte donc ce choix de casting payant, Maïwenn fait pour le reste le minimum sans jamais parvenir à créer l’émotion voulue et il est clair que Jeanne du Barry n’atteint pas ses ambitions : celui de faire un vibrant portrait de femme dans un esprit moderne et de dresser des parallèles avec notre monde actuel. Reste un film finalement sage, pas totalement déplaisant mais un brin fade pour véritablement marquer les esprits une fois la curiosité passée…
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