Le Principal : Le plus haut métier du monde…

Sabri Lahlali est le principal adjoint d’un collège comme tant d’autres. Homme carriériste et ambitieux, figure érudite et respectée de l’éducation nationale il est le père d’un adolescent plutôt sérieux et bon élève et frère aîné d’un homme psychologiquement instable et socialement marginal. Véritable exemple d’une réussite sociale de rigueur Sabri aime son travail et le travail sous toutes ses formes : lectures incessantes, prise en main des situations les plus chaotiques (il prend littéralement en charge son frère cadet Saïd tout en dissimulant ses agissements à son fils Naël et à son ex-compagne Noémie), présence et opération sur tous les fronts dans l’enceinte de l’établissement (il n’hésite pas, entre autres choses, à se manifester devant le plus simple des agents de nettoyage en dépit de son statut, ce qui n’est pas rien…) Sabri est un bourreau de travail, un véritable workaholic ayant bien du mal à lâcher-prise et encore plus à se détendre, malgré les sollicitudes bienveillantes de sa supérieure hiérarchique Estelle, principale de son état. Promis à un futur poste de principal dans un établissement prestigieux Sabri voit sa vie basculer le jour où il constate un léger fléchissement dans les résultats scolaires de Naël ; à seulement quelques jours du brevet des collèges Sabri commet alors l’irréparable, faisant voler en éclats une vie d’excellence et de réputation empreinte de déférence…

Voilà donc un petit drame tout ce qu’il y a de plus divertissant, sans doute un tantinet anecdotique mais néanmoins inspiré d’une histoire vraie : un argument empirique avec lequel Chad Chenouga compose habilement d’un bout à l’autre de son film tout en développant honorablement chaque personnage de son nouveau long métrage… Et si la figure de Sabri portée par un Roschdy Zem en très grande forme n’est pas pour rien dans l’efficacité de cette étude de cas psychologique plutôt sympathique à suivre les autres personnages n’ont en aucune façon été traités par-dessus la jambe par le réalisateur. De ce point de vue Chad Chenouga semble avoir rassemblé les comédiennes et comédiens idoines à chaque personnage, et son film témoigne d’un sens du casting pour le moins pertinent et réussi au vu du drame représenté : Yolande Moreau excelle dans le rôle de la débonnaire Estelle, principale un rien séduite par le rigoureux et classieux Sabri ; Hedi Bouchenafa et Jibril Bhira, incarnant respectivement le ludique et déséquilibré Saïd et le jeune « adulte en devenir » Naël sont tous deux impeccables dans leur prestation, insufflant une belle crédibilité d’ores et déjà opérée par le charisme naturel de Roschdy Zem. C’est tour à tour efficace et entièrement plaisant à suivre in fine.

Le Principal montre à sa modeste façon les limites de l’excellence et d’une certaine forme de reproduction sociale, puisqu’il dévoile subtilement les failles morales et psychologiques d’un personnage à priori bien sous tous rapports ; de ce point de vue la figure de Saïd s’affiche intelligemment comme l’antithèse parfaite de celle de Sabri : frère instable vivant dans les quartiers d’une banlieue pas toujours très fréquentable Saïd suggère astucieusement les peurs sociétales cachées par Sabri comme la poussière sous un tapis. Il sera du reste presque à chaque fois littéralement mis au ban de la cellule familiale par son frère aîné, Sabri prenant toujours les devants au regard des frasques de son frère tout en le cachant à son propre fils comme par honte ou – peut-être – mépris et condescendance.

En ce sens Chad Chenouga distille de jolies nuances psychologiques au coeur de son film au demeurant correct et factuellement intrigant. D’honnête facture et pour le moins classique dans son développement Le Principal est un divertissement tout à fait recommandable porté par un excellent Roschdy Zem dans un rôle semblant littéralement taillé sur mesure pour le comédien, à voir dès ce mercredi 10 mai dans nos salles obscures.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*